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Sous-titrer « Deux contes » ces récits personnels très réalistes peut surprendre. C'est pourtant ainsi que Le Clézio les qualifie, « ni confession, ni album de souvenirs, juste une chanson bretonne un peu entêtée et monotone » pour le premier recueil où il évoque la Bretagne de son enfance ; et le second, son revers, une chanson triste de la guerre. Légers, dépourvus de toute nostalgie car « ce n'est pas un sentiment honorable. Elle est une faiblesse, une crispation qui distille l'amertume (...) Elle renvoie au passé, alors que le présent est la seule vérité », ces textes revisitent un monde enfoui dans un temps enfui.

 

L'auteur se remémore la Bretagne où, petit parisien, — parizianer en breton, cette « engeance délicate » qui parle mal la langue locale — il passait ses vacances. C'est le terroir originel des Le Clézio — les enclos en breton — dont un ancêtre a quitté le Morbihan sous la Terreur pour l'île de France, devenue l'île Maurice. Mais même s'il reste très attaché à cette région, l'auteur n'a rien d'un anti-moderne : « il ne faut pas regretter le temps de la paysannerie traditionnelle bretonne » déclare-t-il car la modernité a sorti les paysans de la misère. Il déplore surtout le recul de la langue bretonne et accuse les lois européennes d'avoir entraîné la disparition de la plupart des pêcheurs bretons. Le Clézio se souvient d'un pays merveilleux où nul ne fermait sa porte à clé et où dans le « spectacle magique » des fêtes de la moisson s'affichait « le triomphe du travail rural ». Il rend hommage à ces jeunes qui reviennent à la terre : « ils sont les nouveaux aventuriers (...) C'est en partie par eux que la Bretagne vivra ».

 

Néanmoins Le Clézio reste avant tout un enfant de la guerre. Son père médecin servait dans l'armée anglaise au Nigéria et ne put rejoindre la France quand l'auteur naquit en Avril 1940 à Nice où sa mère s'était réfugiée avec ses parents et son fils aîné. Âgé de trois ou quatre ans à l'époque, le romancier ne se remémore pas les événements mais se souvient d'avoir souffert de la faim, surtout du vide et de la « privation de tout », du « manque continu » : de son père surtout qu'il n'a connu qu'en 1947 en Afrique ; de repères sécurisants aussi comme il l'écrit : « je n'étais jamais chez moi nulle part ballotté, baladé entre la Maurice de mon père, la Bretagne de mes ancêtres et la Nice de mon enfance — il y avait donc cette étrangeté au monde, cet exil ». La fin de la guerre le laisse hanté par la peur, pris d'accès de fureur injustifiée... C'est l'Afrique qui offrira une seconde naissance à celui qui se dit « né orphelin ».

 

Réservé et discret, Le Clézio nous propose ici matière à réflexion plutôt que des révélation intimes.

 

J.M.G. Le Clézio : Chanson bretonne suivi de L'Enfant et la guerre. Deux contes. Gallimard, 2020, 153 pages.

Chroniqué par Kate 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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