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Publié en 1874 et dernier roman de Victor Hugo, Quatre-vingt-treize est ce roman historique auquel on pense en même temps que Les Chouans de Balzac quand on recherche un roman sur la période la plus critique de la Révolution française.

 

L'œuvre de Victor Hugo possède tous les traits de génie de celui qui est devenu la figure de « l'écrivain national » — comme l'écrit Anne-Marie Thiesse. Des scènes grandioses, des raccourcis saisissants dans la narration, des dialogues à l'emporte-pièce, du pathétique et de l'épique : le lecteur est tenu en haleine. Et en même temps il est conduit ici à réfléchir sur l'histoire, la responsabilité des hommes, et jusqu'à leur conscience du Bien et du Mal comme c'est ici le cas avec les figures héroïques de Lantenac et de son neveu Gauvain que le destin a placées dans deux camps opposés par l'idéologie et la guerre civile. Lantenac est un émigré breton revenu d'Angleterre pour unir les insurgés de l'Ouest et préparer un débarquement anglais. Gauvain est la figure de l'aristocrate qu'une éducation éclairée a amené à soutenir les idéaux de la République.

 

LA TOURGUE par HUGO. HAUTEVILLE HOUSE, GUERNESEY

Pas de scénario archi-compliqué. L'action se passe successivement dans le bocage et en mer à bord de la corvette Claymore – où Hugo étale un étonnant vocabulaire technique et maritime — , puis à Paris, et plus longuement en Bretagne — « une vieille rebelle » — appelée symboliquement ici “Vendée” où Hugo nous fait assister à l'affrontement entre les forces royalistes conduites par le marquis de Lantenac et les troupes républicaines emmenées par le ci-devant vicomte devenu le citoyen Gauvain. Les scènes de combats se situent à Dol puis vers Fougères : la dernière bataille, celle de l'assaut final de Gauvain contre son oncle, a pour cadre le donjon de La Tourgue : le romancier s'est, dit-on, inspiré de la Tour Mélusine de Fougères.

 

Le manichéisme permis par l'analyse de la Révolution se traduit chez Hugo par de grandes envolées lyriques. Le bocage, la mer, la violence du combat sanguinaire y compris le massacre des innocents pour ne pas s'encombrer de prisonniers, le cri d'amour d'une mère pour ses trois jeunes enfants pris en otages par les troupes de Lantenac, l'incendie du château, la fuite des combattants et l'apparition glaçante de la guillotine surgie au dernier tableau suscitent autant de pages d'anthologie.

 

Certes, Victor Hugo n'est pas un historien d'aujourd'hui, mais nombre de ses analyses restent judicieuses. Les guerres de l'Ouest (Chouannerie, Vendée) sont parfaitement vues comme des affrontements idéologiques. L'assaut des Bleus contre les Blancs est une lutte à mort décidée par Robespierre, Danton et Marat après qu'eux trois, réunies en secret dans un estaminet parisien, décident d'envoyer un commissaire politique pour surveiller Gauvain, c'est Cimourdin, un sans-culotte terrible et prêtre défroqué devenu fanatique. Le piquant de l'histoire c'est qu'il a été le précepteur de Gauvain…

 

Les portraits de Robespierre de Danton et de Marat sont particulièrement réussis. Leurs raisons sont bien expliquées et concordent largement avec ce que disent les historiens d'aujourd'hui, par exemple Jonathan Israël dans son récent livre Idées révolutionnaires. La division des révolutionnaires à la Convention, la concurrence politique entre la Convention, la Commune de Paris, les Sections et les Clubs sont rendues de manière compréhensible. Cimourdin et Gauvain illustrent parfaitement la division des Lumières entre radicaux et modérés.

 

Victor Hugo : Quatrevingt-treize. 382 pages dans l'édition Garnier-Flammarion.

 

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE, #REVOLUTION FRANÇAISE, #RELIRE LES CLASSIQUES
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