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Voilà bientôt vingt ans Lionel Duroy dévoilait non sans humour les secrets de tout romancier, les troubles dessous de ce métier. Son auteur narrateur, un certain Luc Esline, décide d’écrire son prochain roman en s’inspirant des habitants de l’immeuble où il vient d’emménager. Il les épie, les écoute, prend part à leurs vies. Dans Méfiez-vous des écrivains  il prend des notes, d’Août à Décembre, et élabore peu à peu les six chapitres du futur roman.

 

On croise ainsi Cécile, Thomas acteur et scénariste, et leur fille Laetitia, amoureuse de Julien, le fils de Lanzman, patron de presse au passé sulfureux... Esline n’a rien d’un observateur objectif ; un peu voyeur, il exhume les sombres secrets de ces vies en apparence banales dans lesquelles il s’immisce. Il se représente lui-même en personnage de son roman ou superpose parfois son propre passé à celui de ses voisins ; ainsi Thomas perd-il son épouse car elle juge dégradante la façon dont il la transpose en personnage de sa pièce.

 

Tout comme lui, Esline a divorcé de ses deux femmes, Alice et Hélène, pour les avoir réinventées à leur désavantage dans ses deux précédents romans ! Il est clair que l’écrivain manipule ses voisins devenus des personnages et, de ce fait peut se vanter que « tous (ses) personnages sont sortis de l’insignifiance ». Ils y gagnent en caractère car « les gens sont plus denses dans les livres que dans la réalité, plus complexes, plus intéressants ». En outre dans le roman leur vie prend sens alors que « la vie réelle ne répond à aucun dessein, n’a tout simplement ni queue ni tête ». L’écrivain les force à aller au bout du destin qu’il leur invente.

 

Lionel Duroy révèle toute l’alchimie de la construction romanesque sous la plume de l’écrivain, ni ethnologue ni sociologue mais démiurge. N’attendons pas d’un roman les qualités d’un reportage ; mais c’est la réalité sublimée qui fascine le lecteur et lui fait oublier toute méfiance initiale !

 

• Lionel Duroy. Méfiez-vous des écrivains. Julliard 2002, et J'ai Lu 222 pages.

 

Chroniqué par Kate

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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