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Une station thermale allemande, à deux cents kilomètres de Vienne, revit le temps des vacances sous la plume d'Aharon Appelfeld (1932-2018). Les habitués se retrouvent et comme tous les ans chacun compte profiter des concerts du festival organisé par le docteur Papenheim, l'impresario sans qui le séjour n'aurait d'autres agréments que les gâteaux et les glaces du pâtissier.

 

Dans le cadre de ce séjour estival, le roman met en scène un assez grand nombre de personnages. Outre le Dr Papenheim, voici Martin le pharmacien et son épouse Trude, le chef d'orchestre, Semitzki et d'autres musiciens, Mandelbaum et son trio, des jumeaux venus pour réciter des poésies, le maître d'hôtel et une serveuse, Mme Zauberblit une riche veuve, Gertie et Sally les deux prostituées, Salo un VRP, le docteur Schutz perdu dans la relecture de son dernier ouvrage et sa jeune amie enceinte, le docteur Langmann fier d'être autrichien, etc… et un très vieux rabbin dont on avait oublié l'existence car ces gens ne se distinguent guère par leur pratique religieuse. Particularité que le lecteur découvre assez vite : les commerçants, la clientèle et les musiciens sont tous juifs.

 

Mais voilà qu'un service sanitaire met la ville en quarantaine et demande aux résidents de se faire recenser afin de préparer leur départ en train pour la Pologne. Tous ou bien évoquent leurs souvenirs de Pologne s'ils en sont originaires, ou bien comme Papenheim présentent la Pologne comme un pays agréable où « les Juifs s'entraident », un pays où « on respecte les gens ». En même temps, vivre à Badenheim perd de l'intérêt : la piscine puis la pâtisseries ferment, la poste ne fonctionne plus régulièrement, l'approvisionnement cesse d'arriver, l'hôtelier puise dans ses réserves, les chiens sont abattus par les gardes en faction aux portes de la ville. La fête chez Gertie et Sally n'amuse plus personne : demain c'est le départ.

 

Entre résignation de partir et désir de connaître ou de retrouver la Pologne, les membres de la petite communauté ont eu le temps d'esquisser quelques liens. Mais pas assez pour capter vraiment l'intérêt du lecteur. D'autant que s'y ajoute une rédaction qui semble un peu inachevée et n'approfondit pas les portraits des personnages : ils restent à l'état de caricatures et de pantins plutôt que de personnages munis d'épaisseur psychologique.

 

Quelle a été l'intention de l'auteur ? Nous montrer, à la manière d'une fable, les Juifs d'Allemagne à la veille de leur déportation vers les ghettos polonais ? Nous montrer leur acceptation de ce coup du sort ? Sans doute. Pourtant rien dans ces pages ne vient pointer la responsabilité du nazisme, de Hitler, des SS : rien de tout cela ! Aucune date n'est mentionnée dans le texte de ce bref roman qui soit susceptible de le présenter sérieusement comme inscrit dans l'histoire événementielle. Dans ces conditions on comprend mal que l'éditeur français (comme l'éditeur anglais) ait changé le titre original hébreu (באדנהיים עיר נופש) en apportant la date de 1939 là où il n'y en avait pas... D'ailleurs c'est en 1940 que les Juifs allemands ont été déportés vers les ghettos polonais afin que le régime nazi puisse dire que l'Allemagne était devenue “Judenrein”.

Bref, une lecture un peu décevante. 

 

Aharon Appelfeld : Badenheim 1939. Traduit de l'hébreu par Arlette Pierrot. Editions de l'Olivier, 2007, 165 pages. Parution originale chez Hakibbutz Hameuchad, en 1979, traduction française déjà parue chez Belfond en 1989, 10/18 en 1994, Seuil en 2004.

 

Aharon Appelfeld est né en 1932 à Czernowitz en Bucovine. Echappant à la Shoah, il a écrit son odyssée dans “Histoire d'une vie” qui a reçu le prix Médicis étranger en 2014. Installé en Israël depuis 1946, il est l'un des plus importants écrivains en hébreu du XXe siècle. Il est décédé en 2018 après avoir publié de très nombreux romans et nouvelles.

 

Tag(s) : #ISRAEL et MONDE JUIF
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