Ce court roman d'aventures, La Révolte de Guadalajara, a été publié en 1937, un an après la mort de son auteur. Jan Jacob Slauerhoff nous laisse avec ce titre le récit d'une révolte populaire dans le Mexique, des années 1920, alors que son livre précédent, Le Royaume interdit, nous avait conduits aux portes de la Chine. Médecin de la marine hollandaise et poète, l'auteur n'a sans doute pas parcouru cet État de Jalisco dont Guadalajara est la capitale, mais les descriptions donnent le change quand il s'agit de suggérer la pauvre végétation d'un haut-plateau ou le profil des volcans tel le Colima qui dominent les villages où la révolte a pris corps.
Au cœur de l'action, une poignée d'hommes. Fils de paysan pauvre, l'Indien Tarabana a fréquenté le séminaire et est devenu prêtre, mais l'évêque de Guadalajara le cantonne dans la desserte d'églises dérisoires dans des villages éloignés. En secret, Tarabana rêve de prendre la place de cet évêque qui se verrait bien cardinal et partir pour Rome. Comme son compère Romero, Escuatla est un grand propriétaire foncier — un hacendado — qui rêve de gouverner le Jalisco et d'avoir une armée privée en uniformes. Et autour d'eux, les paysans indiens, que Tarabana abreuve de téquila ; tous pauvres, ils espèrent de mirifiques changements, pour peu que vienne un « Rédempteur », un Sauveur, mais ils ne comptent pas sur « les Révolutionnaires du nord » que Gómez représente et dirige localement.
Un beau matin l'évêque a murmuré à Tarabana la possible venue d'un Messie qui donnerait du piment à sa fonction trop routinière. Alors, subitement inspirés, voilà le prêtre indien et ses amis qui se portent à la rencontre d'un pauvre homme d'une certaine allure, un marin instable et insatisfait qui traverse leur région en travaillant çà et là comme vitrier, El vidriero. Sans attaches, ni locales ni familiales, il fera l'affaire. Tarabana et ses acolytes en font le chef de la révolte populaire. Les villages se rallient à la cause. Le programme ne brille pas de multiples promesses : il est vaguement question de donner des terres aux petits paysans et de rétablir les anciens dieux, tandis que les discours du Rédempteur en restent à des considérations morales. Dans l'immédiat il faudra neutraliser les officiels, contrôler Guadalajara et parader sur l'Avenida Central en espérant que ni l'armée fédérale ni les révolutionnaires du Nord ne viennent gâcher la fête... Comme on s'en doutait, ce Messie n'est pas à la hauteur de la tâche. Tarabana en est vite déçu. Ne vaudrait-il pas mieux s'en débarrasser et tout laisser tomber ? Déjà, des Indiens l'ont traité d'engañador, d'arnaqueur. On s'en doute, c'est ce faux Messie qui va trinquer. Mais comment ?
• Jan Jacob Slauerhoff : La Révolte de Guadalajara. Traduit du néerlandais par Daniel Cunin. Postface de Cees Nooteboom. Circé poche, 2008, 158 pages.