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Remarqué à Cannes en 2019, Séjour dans les monts Fuchun, le premier long-métrage du jeune réalisateur Gu Xiaogang est une pure merveille sortie sur les écrans en janvier 2020. Le film constitue une formidable saga familiale dans la Chine contemporaine, au Zhejiang. Au milieu du monde qui change, les liens familiaux procurent stabilité et garantie. Du moins dans ce premier volet de ce qui est annoncé comme une trilogie. 

 

On fait la connaissance de la famille Gu à l'occasion du 70ème anniversaire de la matriarche, une veuve douce et souriante qui a quatre fils — ils sont nés à la veille ou au début de la politique de l'enfant unique, le dernier encore célibataire a 37 ans.

Après les enveloppes rouges d'usage, la fête tourne au drame: la mamie a un AVC qui lui fera perdre la mémoire et l'autonomie. Après un coûteux séjour à l'hôpital — pas de sécurité sociale à la française ! — ses enfants doivent définir qui va l'héberger. Le fils aîné, Youfu, prend l'affaire en mains. Des quatre fils, l'aîné est le seul qui ait réussi à bien gagner sa vie : il possède et gère avec sa femme Fengjuang un restaurant où sont localisés de très nombreuses séquences du film, Guxi leur fille est enseignante.

Au contraire, Youhong, le pêcheur survit difficilement avec sa barque sur le fleuve et son fils Yangyang est un simple ouvrier dans une usine de papier.

Youlu, le benjamin n'est pas marié et travaille comme ouvrier. Youjin, le cadet a en charge un fils trisomique, Kangkang, et des dettes de jeu qu'il tarde à rembourser, d'où les menaces de mafieux et leur passage à l'acte au restaurant.

Plus tard, ce cadet gagne beaucoup d'argent grâce à un tripot clandestin où il plume facilement les joueurs. Cela lui permet d'héberger à son tour la maman. Mais l'aîné critique cette solution car c'est de l'argent sale… et d'ailleurs la police surveille les salles de jeux clandestins.

 

Dès le début on voit que les problèmes d'argent sont omniprésentes dans ce milieu populaire où l'on tient à établir et bien marier le fils ou la fille unique. Il est donc beaucoup question d'investissements immobiliers. Au marché on dit que les gens de la campagne ne se sont pas avisés assez vite d'acheter des logements en ville. Maintenant, les prix ont doublé, ou triplé avec l'expansion urbaine. Un métro est en projet : il reliera la ville de Fuyang à Hangzhou. Les autorités commencent à abattre les vieux quartiers des années 70 : on habitait là depuis trente ans note l'épouse du pêcheur : le couple est venu assister à la démolition de l'immeuble après avoir signé pour son relogement. La rénovation du quartier fait les affaires de certains qui avaient investi il y a longtemps ; ils encaissent des indemnités confortables. L'argent s'invite dans le contexte des mariages ; ceux-ci semblent encore arrangés par la famille. Mais ça ne se fait pas sans conflit : Guxi, la fille des restaurateurs, veut épouser un jeune professeur d'anglais, — sa mère est contre, sa grand-mère est pour — ce garçon fait une thèse sur la peinture shanshui (montagne et eau), plus précisément un rouleau de six mètres peints en 1351 et appelé Paysage de la rivière Fuchun dû au pinceau de Huang Gongwang, un peintre célèbre de la dynastie Yuan. Ce rouleau montre les belles montagnes de la région de Fuyang. C'est de là que vient le titre du film, plus proche de la manière de Hou Hsiao-hsien que de Jia Zhangke.

Huang Gongwang : Paysage de la rivière Fuchun (1351). Musée national, Taipei (extrait)

« Une ville, un fleuve, une famille » pourrait-on dire pour résumer le film. La ville est magnifiée, c'est l'agglomération de Hangzhou, avec son large fleuve tranquille où les barques des pêcheurs croisent des péniches de fort tonnage. Le fleuve est bordé de parcs que l'on parcourt au rythme des saisons, avec notamment son camphrier tricentenaire, et il est dominé par des montagnes pittoresques.

L'une est desservie par un escalier somptueux que descend la famille, décor d'un des mémorables plans-séquences du film. Le plus long, en travelling, suit la rivière Fuchun, où l'amoureux de la fille des restaurateurs lui donne la preuve qu'il est bon nageur.

Le long plan-séquence avec travelling le long de la berge

La douceur de la nature, saison après saison, vient en contrepoint des soucis matériels, et la famille semble en tirer force et harmonie. La subtile bande musicale de Dou Wei est en accord avec ces images. C'est follement chinois. Un film à ne pas manquer !

 

Séjour dans les monts Fuchun (Chun jiang shui nuan): film de Gu Xiaogang, Chine, 2019, 2h30. Photos de la bande-annonce.

 

Tag(s) : #AU CINEMA, #CHINE
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