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     Jeune auteure écossaise, Amy Liptrot révèle dans ce premier roman publié en 2018 et déjà récompensé de deux prix, toute la puissante beauté des Orcades, sa terre natale. Météo, faune, flore, astronomie et archéologie, tous les aspects des îles s'invitent sous sa plume, comme pour inciter le lecteur à expérimenter « l’écart », cette bande côtière non défrichée, point de départ de sa reconstruction. Sans complaisance sur elle-même, la romancière tente de se comprendre pour mieux se retrouver, à travers une écriture réaliste qui ne le cède qu’à l’évocation des légendes locales.


 

      Enfant « courageuse et téméraire », la jeune adolescente prenait plaisir à provoquer par ses comportements et ses propos. Son caractère bien trempé s’était forgé sur la terre tempétueuse des Orcades où elle « côtoyait l’abîme » du haut des falaises. Borderline, toujours à la recherche de sensations fortes, elle avait découvert à l’adolescence les plaisirs de l’alcool et des champignons magiques. À dix-huit ans elle rêvait « de confort et de glamour » loin de la ferme familiale. Partie étudier à Londres, ville « chère et surpeuplée », qui « attire tous ceux qui rêvent de succès et de changement », elle se jeta à corps perdu dans l’alcool et l’ecstasy et perdit peu à peu travail, logement et amant, franchissant toutes limites : « l’alcool avait pris possession de mon existence » reconnaît-elle. Après trois mois de cure de désintoxication et grâce aux Alcooliques Anonymes elle parvint à ne plus boire. Son père ayant besoin d’aide elle revint aux Orcades, pays du vent, domaine de nombreux oiseaux tels les sternes, les courlis, les huitriers-pies. Honteuse d’avoir échoué à trouver sa place à Londres, Amy cherchait une autre voie. Elle fut peu à peu séduite par « l’enchantement que nous procure le spectacle de la nature », recherchant toujours les extrêmes car « n’est-il pas merveilleux de vivre constamment au bord du monde ? ». En compagnie de deux ornithologues elle marquait les oiseaux, traquait le râle des genêts, superbe et très rare. Installée sur l’îlot de Papay, elle retrouva une vie sociale grâce à la bienveillance des habitants. La marche, les bains de mer apaisaient les tensions intérieures et l’anxiété dues à l’abstinence. En outre, Internet, « son vrai chez moi », l’aidait à comprendre cette nature et à explorer les lieux limitrophes absents sur Google Map. Après la ferme, après Londres, Amy avait découvert la troisième voie salvatrice: « je trouve maintenant mon bonheur et mon ivresse dans le monde qui m’entoure » note-t-elle. Ainsi l’auteure a échappé à son propre naufrage et peut réinventer sa vie. Après deux années de sobriété, « seule et heureuse de l’être, je poursuis ma route », sur un territoire extrême car « les limites, c’est mon domaine ».

     

      C'est un beau récit de guérison, preuve que l’on peut se libérer de ses addictions pour peu que l’on trouve sa voie. C’est aussi une ode au pays natal et l’occasion de faire découvrir la beauté sauvage des îles écossaises. L’écart en vaut la peine.

Chroniqué par Kate


 

      • Amy Liptrot : L'Écart. Traduit de l'anglais par Karine Reignier-Guerre. Éditions Globe, Paris, 2018, 331 pages. Titre original : The Outrun. Canongate Books Ltd, Edinburgh).

 

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE ANGLAISE, #ECOSSE
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