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 Auđur Ava Ólafsdóttir campe un personnage hors norme dans l’Islande des années 1960, Hekla Gottskalksdóttir. À vingt et un ans elle rêve de devenir écrivain et refuse l’occasion de participer au concours de Miss Islande : anti-titre astucieux ! Cette forte personnalité solaire fascine des personnages mal dans leur peau ; ses deux amants homosexuels, Jón John et Starkadur, et son amie d’enfance Ísey, qui partage avec Hekla le goût de l’écriture. On apprécie les références littéraires et poétiques qui enrichissent à souhait le récit constitué de brefs chapitres dont chaque titre est une citation d’un écrivain ou d’un poète. L’écriture reste terne et sans grand relief, mettant ainsi davantage en valeur le caractère provocateur du roman mêlant féminisme et homosexualité.


 

     Spectatrice à quatre ans d’une éruption, celle qui porte le nom d’un volcan, Hekla, a nourri dès l’enfance la soif incandescente du voyage et de la liberté. Petite, elle a lu tous les livres de la bibliothèque familiale : écrire et découvrir le monde seraient l’axe de sa vie. Délaissant la ferme familiale dans la province des Dalit pour Reykjavik, Hekla vit de petits boulots et prépare, sur sa vieille Remington, un nouveau manuscrit après avoir publié un recueil de poèmes sous un pseudo masculin : en Islande à l'époque on méprise les auteurs féminins. 


 

     Ísey lui fait contrepoint. Elle n’a pas, elle, choisi son destin : « tombée amoureuse » puis « tombée enceinte », elle mène la vie domestique et routinière la plus inintéressante qui soit ; son seul échappatoire, c’est son journal intime nourri du vide quotidien : « Je suis tombée bien bas » confie-t-elle, mélancolique, à son amie... Cette opposition un peu grossière des deux personnages féminins accentue la forte personnalité d’Hekla. Ses deux amis jouent le même rôle. Certes elle aime Starkadur le bibliothécaire poète, mais elle couche avec Jón John le marin malgré lui passionné de couture ; elle vit chez l’un mais vient écrire chez l’autre. Bien sûr chacun est jaloux de l’autre, chacun des deux l’admire et tous deux s’enlisent dans la dépression... Cette situation cocasse permet à l’auteur d’évoquer la vie difficile des homosexuels dans les années soixante. Ainsi Jón John se plaint-il « je suis un déviant, un malade...on nous considère comme de pédophiles ». Sans cesse rejetés, le mariage reste pour eux la seule protection même s’il n’est pas consommé... Et voilà la happy end : Hekla épouse Jón John « parce que tu es le seul homme qui n’exige rien de moi », Starkadur convole lui aussi. Ultime preuve d’amour pour son poète, Hekla publie son nouveau roman sous son nom...

     Certes, imaginer une féministe et deux homosexuels en Islande en 1963 relève de la provocation comique. Mais les oppositions binaires sont si excessives et simplistes que l’on peine à rentrer dans le jeu. Le véritable intérêt de ce roman tient, répétons-le, aux nombreuses références littéraires, de Shakespeare à Joyce et Beauvoir. De là à lui décerner un prix, c’est l’ultime cocasserie !!

 

     Auđur Ava Ólafsdóttir : Miss Islande. Traduit de l'islandais par Eric Boury. Zulma, 2019, 261 pages.

Chroniqué par Kate

 

Tag(s) : #LITTERATURE SCANDINAVE
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