Dans ce premier ouvrage de la nouvelle collection « Monde Maçonnique » aux Presses Universitaires de Bordeaux, deux chercheuses américaines, Janet Burke et Margaret Jacob jettent un regard nouveau sur la présence des femmes dans la franc-maçonnerie. Aujourd’hui encore on la croit réservée aux hommes. C’est le cas aux USA et en Angleterre où les femmes sont exclues des loges, de même que les juifs et les acteurs. Mais en France elles ont leur place dès le XVIIIe siècle dans les loges dites « d’adoption » qui furent des foyers d’émancipation. En parallèle avec les salons elles permirent à une minorité de femmes d’accéder à la culture des Lumières.
C’est à Bordeaux en 1732 et non à La Haye que fut ouverte la première loge d’adoption où, sous le regard paternaliste des « frères » les maçonnes se sont peu à peu imposées.
En France c’est surtout la Princesse de Lamballe, proche de la reine, qui impulsa des idéaux réformateurs en plus des valeurs fondamentales de la franc-maçonnerie que sont la fraternité et l’amitié fondée sur la vertu comme le note Diderot dans l’Encyclopédie : « il n’y a d’amitié réelle qu’entre ceux qui sont unis par la vertu », ou Voltaire définissant l’amitié « comme un contact tacite entre deux personnes sensibles et vertueuses ». Jointes à la fidélité et à la tempérance, ces qualités aidaient au perfectionnement moral sous les lumières de la raison. C’est à partir de 1740 que dans les loges mixtes de France l’idée d’égalité des hommes et des femmes vit le jour. Ces loges, comme les salons, ont sensibilisé les femmes de l’aristocratie à la culture des Lumières : dans ces espaces d’émancipation elles apprenaient à comprendre et revendiquer leurs droits et participaient à la construction d’une utopie progressiste et égalitaire de transformation de la société civile. Vers la fin du XVIIIe siècle dans les nombreuses loges françaises les maçonnes oeuvrèrent à l’éducation des filles et renforcèrent leur engagement caritatif auprès des plus pauvres. Certes, vu le coût des dépenses pour intégrer une loge, seules les femmes des classes aisées le pouvaient...
Mais, elles prirent part à la vie civique, laïque et intellectuelle ; prêtes à défier les préjugés et l’ordre social dominant, elles devinrent les moteurs de la philanthropie et les initiatrices d’une pensée féministe.
Alors que la Révolution avait fait fermer toutes les loges, Napoléon les autorisa de nouveau et leur nombre s’accrut tout au long du XIXe siècle, incluant davantage de femmes issues de milieux non aristocratiques.
Les premières tentatives d’émancipation des femmes furent donc le fait des maçonnes, en France, au XVIIIe siècle. Elle furent actrices de leur vie et contribuèrent autant que certains hommes à la propagation de l’esprit des « Lumières radicales ».
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• Janet Burke, Margaret Jacob : Les premières franc-maçonnes au siècle des Lumières. Presses Universitaires de Bordeaux, 2011, 190 pages. (Janet Burke est professeur à UCLA en Californie, et Margaret Jacob à l'Arizona State University).
Chroniqué par Kate