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Couverture de l'édition de 1973

 

Blaise Cendrars entendait montrer aux « jeunes gens fatigués de la littérature qu’un roman peut aussi être un acte », acte littéraire et moral, à l’opposé des fictions romanesques divertissantes. Acte littéraire cette biographie de Jean Galmot ? À n’en pas douter, car l’auteur la construit comme une enquête qu’il a lui-même menée, multipliant diverses sources. Acte moral ? À l’évidence le personnage de Jean Galmot a séduit l’écrivain baroudeur ; il en partage les valeurs et en prend la défense. Tous deux s’étaient d'ailleurs rencontrés en 1919.


 

Né en Dordogne, fils d’instituteur, Jean Galmot avait abandonné ses études pour céder à l’appel de l’aventure. En 1906, son riche beau-père l’envoya gérer ses affaires en Guyane. « Je suis parti, une force me poussait » confie-t-il dans l’unique page connue de l’un de ses romans. Il fit vite fortune, mal vu des notables et des exploitants locaux qui firent courir à son propos toutes sortes de rumeurs infamantes. Élu député de Guyane en 1919, compromis malgré lui dans « l’affaire des rhums », il passa neuf mois en prison. Traqué, ruiné, il mourut empoisonné en 1928 en Guyane. Son coeur aurait disparu... Les grandes firmes coloniales l’ont éliminé, comme il l’écrit : « je me suis attaqué à ces grands seigneurs féodaux. J’ai entrepris d’affranchir de la domination qui les opprime les planteurs et les petits colons qui, comme moi, sont partis de rien ». Son seul but aura toujours été l’émancipation des Guyanais qu’il traitait « avec bonté et dignité » depuis qu’en 1924 il avait fait le serment de « rendre la liberté à la Guyane, sa patrie ».

Jean Galmot aventurier, film d'A. Maline, 1990

 

Cendrars a séjourné dans le Périgord noir, terre natale de Jean Galmot, pour écrire son récit. Il y mêle des fragments de lettres, d’articles de presse, de minutes du procès : pas de littérature, mais des pièces à conviction. Un style réaliste, précis, sans épanchements : pour lui, écrire c’est agir.

Écrire c’est aussi s’engager : Cendrars le bourlingueur se sent proche de l’aventurier Jean Galmot et le compare à Don Quichotte « qui se battit pour défendre la vérité et la justice » : un idéaliste un peu naïf mais qui « n’était pas homme à se décourager », malgré les humiliations. L’auteur partageait son empathie pour les peuples colonisés.

 

« Pauvre Galmot, Don Quichotte jusqu’au bout ! Sa vie ne lui avait-elle donc rien appris qu’il croyait encore à la légalité ? Jamais il ne se débarrassera (...) de sa mentalité honnête de petit bourgeois du Périgord ». 

Tel fut Jean Galmot, entre Guyane et terre natale où l’attendaient son épouse et sa mère ; avec au coeur le souvenir de Jeanne-Marie, la petite marchande de journaux.

Publié en 1930, « Rhum » c’est de l’action, de l’engagement, sous la plume. C’est une bouffée d’oxygène pour notre époque où l’aventure a perdu son authenticité et son sens.


 

Blaise Cendrars : Rhum. Grasset, 1930.

Lu et chroniqué par Kate

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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