Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Voici les aventures guignolesques de Winston Foshay dit Tuff, un jeune obèse d'East Harlem, sans instruction ni qualification. Jusqu'ici Tuff aidait des dealers de son quartier, or ceux-ci ont été sauvagement massacrés dans un règlement de comptes tandis qu'il tombait dans les pommes. Il décida alors de changer de vie. Mais ce n'est pas facile quand depuis tout petit on vit constamment avec les mêmes bras cassés, et un père qui est abonné à la prison de Rykers après avoir combattu au côté des Black Panthers. Tuff n'imagine même pas vivre en dehors de sa communauté, de son barrio — puisque le quartier rassemble des Latinos aussi démunis que les Blacks.

Trois personnes pourtant vont l'aider à tenter de réaliser son projet. D'abord Yolanda, sa femme dont il est amoureux et qui lui a donné un fils, Jordy. Et puis Inez Nomura une fille de Japonais qui avaient été assignés à résidence en camp après Pearl Harbour, une militante qui a côtoyé des leaders noirs. Enfin un rabbin noir du nom de Spencer Throckmorton dans le rôle d'un grand frère, un Big Brother, recruté pour l'aider lui Winston Foshay — Big Brother et Winston : ça ne vous rappelle rien ? Après avoir considéré diverses pistes, Tuff entreprend de se présenter aux élections municipales dans son district d'East Harlem. Il devra se débrouiller pour obtenir un quota de signatures d'électeurs inscrits dans la circonscription. C'est là que les potes du quartier ont un rôle à jouer ! Quant à Winston, malgré l'aide de Spencer qui le fait connaître dans la presse, le moins qu'on puisse dire est que sa campagne électorale brille par la nullité — sauf à considérer sa manière frontale d'aborder la discussion en réunion électorale. Ça plait à une minorité de ses concitoyens encore que plusieurs préféreraient reprendre le trafic de drogues ou même attaquer une banque.

Paul Beatty excelle à rendre compte de la vie des petites gens d'East Harlem, « la frange la plus cynique de l'électorat », ce qu'il fait en reprenant leur langage cru et imagé, truffant les dialogues de formules hispaniques comme en conclusion de sa réponse au conseiller sortant : « Mi barrio, su barrio, nuestro barrio ». Or, le communautarisme ne sera pas un programme gagnant même à Spanish Harlem. Tuff le sait bien qui rêve de réaliser un film avec plus d'action que chez Ozu ainsi que de devenir sumo, fort de ses 140 kilos. C'est certainement l'influence de Miss Nomura qui a aussi financé sa campagne : Yolanda a de quoi être jalouse !

Paul Beatty ne manque pas d'imagination pour jeter ses personnages dans des situations délicates qui stimulent leur jactance, mais Moi contre les Etats-Unis d'Amérique m'a paru beaucoup plus cocasse et apte à captiver les lecteurs.

Paul Beatty. Tuff. Traduit par Nathalie Bru. Cambourakis, 2018, repris en 10/18, juin 2019.

Tag(s) : #LITTERATURE ETATS-UNIS
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :