Dans cette brève autobiographie, publiée en français en 1988, H. Böll évoque ses quatre années de lycée, de 1933 à 1937. C’est la période d’accession au pouvoir d’Hitler et l’instauration de la dictature, une époque difficile dont il ne semble pas avoir été très traumatisé. Lycéen peu assidu à « l’école de mort » qui prépare à la guerre et l’ennuie, il préfère l’école de la rue, « école de vie ». Il se souvient plus aisément des « événements extérieurs » que des détails de son existence à l’époque et revisite davantage le temps où il allait en classe, pas seulement le temps qu’il y passait : ainsi se dessine une « histoire en creux » de son passage au lycée.
À cette époque, Hitler fait incendier le Reichstag , signe le concordat et occupe la Rhénanie. Les arrestations se multiplient dans Cologne. La famille Böll connaît des difficultés financières dès que le père ne pratique plus son métier d’ébéniste. Un peu « bohèmes » les Böll, catholiques et anti-nazis, « ont survécu » à crédit jusqu’à la déclaration de guerre.
L’auteur a toujours refusé d’intégrer les Jeunesses Hitlériennes, mais la famille a dû se soumettre à l’obligation d’inscrire l’un de ses membres dans une organisation nazie : c’est ainsi qu’Aloïs, un des frères d’Heinrich est entré à la S.A. La bonne humeur et l’humour soudaient les Böll. Le romancier aimait moquer « la particularité de bon nombre d’honnêtes Allemands : l’aveuglement quant à la vraie nature du nazisme » qu’il appela « le syndrome Hindenburg ». Avec ses camarades il se riait de deux enseignants nazis « genre brute épaisse, montreur d’ours ». Il brosse un portrait irrésistible de Göring « bouffon sanguinaire au masque de morphinomane : quelle mine de burlesque pour le cinéma ! »
« Oui, l’école bien sûr »... Au début de chaque chapitre il tente d’y revenir : il n’en garde aucun mauvais souvenir, n’y a nullement « souffert » car il séchait souvent les cours et sa sinusite justifiait ses absences « j’aimais l’étude mais je n’étais pas un fanatique de l’école » concède-t-il. De fait, à la maison il s’adonnait avec plaisir au latin, à l’histoire et aux maths, ses matières préférées, sans oublier les livres, véritable passion familiale. À la veille de la déclaration de guerre, il lira Barbusse et Remarque car l’expérience vécue a toujours eu plus de valeur à ses yeux qu’un cours.
À soixante ans, H. Böll s’est penché sur l’histoire plus que sur ses souvenirs de ce lycée qu’il fréquentait « à ses moments creux ». N’ayant guère de motivation professionnelle, il se sentait « toujours étranger » et sa famille s’inquiétait de son avenir comme le souligne le titre du livre. Car c’est à bicyclette, « sur le chemin de l’école » qu’il apprenait la vie : ainsi avoue-t-il que savoir marchander au marché noir des cigarettes pour son frère Aloïs lui a été utile plus tard. Un événement toutefois l’a choqué. Comme la mémoire personnelle n’est pas toujours synchrone avec la grande Histoire, il situe en 1934 un drame survenu en 1933. Dix-sept jeunes communistes furent arrêtés à Cologne, et sept décapités à la hache. L’auteur a associé l’événement, dans son souvenir, au 30 Juin 1934, jour de l’épuration dans les rangs nazis et signe d’accélération de la prise définitive du pouvoir par Hitler.
Originale et de lecture agréable, cette courte autobiographie éclaire la personnalité d’Heinrich Böll.
• Heinrich Böll. Mais que va-t-il devenir, ce garçon ? - Traduit par Eliane Rosenberg. Seuil, 1988, 120 pages.
Chroniqué par Kate