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Tout s'est joué en moins d'une semaine. Le mercredi soir 20 février 1974 Katharina Blum, une femme au-dessus de tout soupçon, se rend à un bal de carnaval chez sa marraine. Le dimanche suivant elle tue le journaliste qui l'a traînée dans la boue. Le lecteur est au courant dès la page 7 de l'édition Points.

 

Heinrich Böll a sous-titré son roman : Comment peut naître la violence et où elle peut conduire. Il a donc écrit son livre dans un but précis : il s'agissait pour lui de dénoncer le scandale du journalisme tel que le pratique le tabloïd Bild (qu'on reconnaît dans le roman sous le simple titre Le Journal). Il est nécessaire aussi de rappeler le contexte de la République fédérale dans les années soixante-dix. La Bande à Baader était pourchassée par la police et par les médias ; la police avait même stupidement perquisitionné le domicile d' Heinrich Böll. L'écrivain était indigné par les débordements de la presse à sensation, dite aussi presse de caniveau. Dans le roman, un homme très pondéré tel Me Blorna est tellement choqué par l'agissement du journal envers sa gouvernante que sa femme l'arrête sur le point de lancer un cocktail Molotov contre les locaux du journal.

 

Mais on peut aussi bien lire ce court roman policier sans prendre en considération l'hystérie collective qui a secoué l'Allemagne à la poursuite des communistes Andreas Baader et Ulrike Meinhof, en se limitant à suivre ce récit très factuel qui montre comment l'irréprochable Katharina est victime du soupçon concernant ses relations et de l'inquisition journalistique sur sa mère et sa famille. Elle a reçu chez elle un inconnu dont elle est tombée amoureuse et il se trouve que c'est un voleur et un déserteur que la police vient arrêter au petit matin : mais l'oiseau s'est envolé. Est-elle de ce fait la complice d'un dangereux terroriste comme le martèle la presse à sensation ? Puis l'irruption du journaliste Werner Tötges dans la clinique où sa mère vient de subir une délicate intervention chirurgicale constitue la provocation de trop pour Katharina Blum qui décide de se faire justice elle-même.

 

Plus largement, on lira ce roman comme une mécanique parfaite où la réputation des uns et des autres est questionnée par le duo infernal de l'enquête policière et de la presse à sensation. Il offre un beau plaidoyer pour maintenir la règle du secret de l'instruction car ici sa violation entraîne un double drame, Katharina devient une meurtrière, et le couple Blorna est éclaboussé par cette tragédie. C'est aussi un beau sujet pour discuter de la liberté de la presse, présentée comme un totem des démocraties, et qui profite en fait dans le roman à l'actionnaire du journal également responsable d'un parti politique. Pour toutes ces raisons, ce roman est probablement le plus connu d'Heinrich Böll et l'adaptation pour le cinéma par Volker Schlöndorff et Margarethe von Trotta n'a fait qu'entériner son statut de chef-d'œuvre.

 

Heinrich Böll. L'honneur perdu de Katharina Blum. Traduit par S. et G. de Lalène. Editions du Seuil, 1975. 

 

Tag(s) : #LITTERATURE ALLEMANDE
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