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En novembre 2017, Soren, musicien sexagénaire, a disparu sur un pont de Bordeaux. On a retrouvé son chapeau sur la berge et sa valise au Grand Hôtel où il avait réservé trois nuits mais n’y a pas dormi. Selon le chauffeur de taxi, il voulait « faire une petite balade pour prendre l’air du large ». La police a interrompu les recherches. Début de roman policier ? non point. Les auteurs, Véronique Biefnot et Francis Dannemark, explorent les réactions que provoque cette disparition chez ceux qui l’ont connu. Dans ce roman choral leurs monologues se succèdent, tels des témoins défilant à la barre. Chacun garde une image différente du disparu. Ainsi se dessine, comme dans un kaléidoscope, un portrait contrasté de Soren. Son départ les amène tous à fouiller leurs souvenirs, à évoquer avec nostalgie leur jeunesse emportée dans la fuite du temps, à prendre conscience qu’ils ne connaissaient pas Soren car l’ « on n’a jamais que des fragments de ce qui se passe dans le cœur et la tête des gens », comme le remarque Thomas, le frère du disparu. L’incertitude, l’impermanence, le regret mêlé de nostalgie tissent l’atmosphère mélancolique de ce roman.


 

La disparition de Soren incite chacun à lui trouver un mobile : lecteurs « Croyez qui vous voulez » sous-titre l’éditeur... « À chacun sa vérité » disait Pirandello. Certains, comme Jean-Louis, croient au suicide car « s’il avait jugé que le moment était venu de partir, c’était son choix » ; d’autres, comme Myriam, à un appel : Soren, exigeant et insatisfait, voulait toujours la lune et « qu’est-ce qu’il a vu dans l’eau du fleuve cette nuit-là ? La lune, bien sûr ». Cette disparition ébranle leurs certitudes car « on ne comprend pas toujours bien les gens » note Marie, et Sabine de renchérir « ils sont comme des diamants, ils ont de multiples facettes ».

Soren était « un diable et un ange » et chacun en garde un souvenir différent. Plutôt ange, selon certaines de ses amies, Soren savait compatir à l’occasion mais ne pouvait s’attacher longtemps à quiconque exceptées sa fille Aurore et sa chienne Leïla. Plutôt diable, selon musiciens et producteurs, Soren le solitaire, dépressif et mal dans sa peau leur laisse le souvenir d’un caractériel égocentrique et ambitieux. Selon Robert, l’octogénaire, Soren « aurait dû vivre ailleurs ou dans une autre époque ». Le rock, le punk ou la country c’était la passion de Soren ; beaucoup de projets, de dettes et la faillite... Reste que sa disparition plonge ses amis dans la nostalgie car avec Soren « c’est une putain d’époque qui disparaît », « elle a foutu le camp notre jeunesse ».

 

Même si rien ne dure, si rien n’est sûr, les auteurs ne tombent pas pour autant dans le pathos dramatique grâce à deux puissants antidotes : l’humour et la musique. Son roman est l’occasion d’un éblouissant festival !

 

Francis Dannemark et Véronique Biefnot. Soren disparu. Le Castor Astral, 2019, 244 pages.

 

Chroniqué par Kate

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE, #BELGIQUE
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