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Accompagné d'un cortège de prix littéraires et du film de Katell Quillévéré, le succès de “Réparer les vivants” a été considérable. À quoi cela tient-il puisqu'il ne s'agit pas d'une fiction à l'intrigue extraordinaire ? Bien évidemment au sujet et à la manière dont il est traité. L'accident, le coma dépassé, le don d'organes, la greffe de cœur : voilà les éléments que mobilise Maylis de Kerangal pour réunir ses personnages, en faire des héros du quotidien et leur donner une présence exceptionnelle qui doit beaucoup à une écriture dense qui nous immerge en eux.

Des trois jeunes gens amateurs de surf qui reviennent de leur passion, Simon Limbres est le plus gravement blessé dans l'accident de la route. L'incipit n'en fait pas mystère : c'est son cœur qui est au centre du livre. Toute une mécanique s'ébranle dès que la victime est identifiée et transférée à l'hôpital du Havre. La romancière décrit l'affolement de la mère, Marianne, l'inquiétude pour son fils, la rage du père, Sean, qui lui a fait pratiquer le surf et apprécier le tatouage parce qu'il est natif de Polynésie. Elle montre les parents choqués par la révélation du sort de leur enfant puis par la proposition de don d'organes. Elle montre les professionnels de l'hôpital, infirmiers, internes, chirurgiens, comme autant de héros du travail, sans oublier de mêler leurs compétences médicales et leurs passions privées, tel Rémige qui s'intéresse au chant du chardonneret, Harfang qui se passionne pour le cyclisme et entraîne ses confrères à sa suite le dimanche matin, ou Virgilio qui se préoccupe du match France-Italie.

La marche du temps constitue ici un sujet essentiel. Ce livre est rythmé d'une façon incroyable avec un grand sens du suspense, du timing, à la gloire des professionnels de la santé, depuis le prélèvement des organes et le transport du greffon, jusqu'au bloc opératoire où le cœur de Simon devient le cœur de Claire à la Pitié-Salpêtrière, courant de la mort vers la vie. L'auteure a choisi d'éviter tout mélo en arrêtant alors sa narration à « cinq heures quarante neuf » quand l'équipe médicale a terminé sa nuit : les émotions des lendemains, les pleurs des parents, les obsèques de Simon, la joie des enfants de Claire, sont laissés à l'imagination du lecteur.

Depuis Réparer les vivants, l'auteure a continué de nous attirer avec un grande brio vers d'autres domaines professionnels comme la cuisine et les métiers d'arts. On en redemande.

• Maylis de Kerangal. Réparer les vivants. Verticales, Gallimard, 2014. 298 pages.

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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