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Vu la date de publication — 1989 — ce Message à la planète aurait pu, je ne sais pas moi, enterrer le communisme, ou anticiper les discours écologiques qui allaient se déployer les années suivantes. Rien de tout cela dans cet antépénultième roman de l'auteure irlandaise.

 

Dès les premières pages on a compris qu'Iris Murdoch a créé un petit monde soudé d'une dizaine de personnages principaux, dominé par Marcus Vallar et Alfred Ludens, tels un maître et son disciple. En fait, Marcus ne deviendra bien présent qu'à partir de la page 200 environ et en attendant, on parle de lui comme d'un Maître, d'un gourou, ou d'un fou, d'un personnage charismatique pour beaucoup, insupportable pour quelques uns comme Patrick qui est mourant. Le groupe s'est mis dans la tête qu'il faudrait aller chercher Marcus — qui les ignore depuis trop longtemps — car sa présence pourrait sauver Patrick, un séduisant poète à qui un prêtre vient de donner l'extrême onction. Et de fait, quand, Ludens réussit à trouver Marcus au fond d'une campagne isolée et à le persuader de venir d'urgence à Londres, le “miracle” se produit. Du coup tout le groupe se retrouve submergé par l'émotion. Mais la vie londonienne est trop bruyante pour Marcus et en conséquence sa fille Irina, aidée par le médecin qui n'avait pas sauvé le poète, trouve le moyen de faire admettre son père dans une clinique psychiatrique, au vert, près de Salisbury. Là, ses amis, Ludens et Patrick en tête, se succèderont pour lui rendre visite en cette chaude fin de printemps, Ludens pour lui faire quitter son enfermement et Patrick pour l'y servir, plein de reconnaissance. La “résurrection” de Patrick ne tarde pas à s'ébruiter et il s'amorce une sorte de culte autour de Marcus. Les événements désorientent Ludens qui espérait surtout que son Maître délivrerait un message philosophique écrit. L'arrivée de pèlerins pour le solstice qu'ils vont fêter à Stonehenge crée une ferveur de type New Age. Au bout de quelques jours Markus refuse de passer pour un nouveau Messie et c'est le drame.

 

Des actions secondaires se greffent sur l'action principale. Ludens, qui est un jeune historien envisage de se marier : une bohémienne lui a prédit qu'il rencontrerait trois femmes avant de s'engager. Dans ce groupe d'amis, le peintre Jack Sheerwater occupe une place particulière au centre d'un ménage à trois avec son épouse Franca la brune et sa maîtresse Alison la pétulante rousse. Irina, Alison, et Franca : voilà les trois femmes qui a un moment où un autre tomberont dans les bras de Ludens. Mais celui-ci est trop aveuglé par son projet de faire de Marcus un grand-maître de l'esprit. Chacune d'elle lui échappera : Franca restera fidèle, Alison fuguera, tandis qu'Irina sera libérée de son père comme de Ludens rendant possible un mariage jusqu'alors interdit.

 

Quel est donc le message ? À un moment, Marcus rêve à « la façon d'échapper à la technologie qui menace de détruire la planète sinon par une explosion, du moins par un anéantissement total de la faculté de penser ». Mais cette piste n'est pas suivie par la romancière. Le directeur de l'institution psychiatrique a enregistré à les propos de Marcus à son insu : quand il fait écouter la bande à Ludens on n'entend plus que les bredouillis d'une langue inintelligible ! Le message universel tombe à l'eau. En dépit des espérances de Ludens, il n'y a pas eu de révélation philosophique, mais plutôt une réflexion sur la souffrance qui cause à Marcus tant de cauchemars. En raison de son origine juive, Marcus développe la culpabilité d'être un survivant de la Shoah bien qu'il n'ait pas été déporté par les nazis puisque vivant alors en Angleterre. Il a cependant multiplié les lectures l'éclairant sur les malheurs des juifs. Durant son séjour en clinique, le rabbin envoyé par le directeur cherche à lui faire renouer le contact avec la tradition ; symboliquement il s'empresse d'apporter un châle de prière. On peut toutefois se demander s'il y a une spiritualité ou une sagesse remarquables chez Marcus qui a été un ancien mathématicien prodige puis un peintre abstrait proche de Sheerwater ? N'est-il pas seulement « un sphinx sans secret » ? À moins qu'il ne soit seulement un fou que l'établissement spécialisé accueille avec empressement vu sa fortune.

 

L'écriture d'Iris Murdoch se complait aux dédales de la psychologie, épluchant particulièrement les pensées de Ludens, Franca, Alison, etc, plus peut-être que de Marcus. On la sent attachée à ses personnages, à ses créatures, comme si elle ne voulait pas les quitter, et c'est peut-être pour cela que le roman s'étire dangereusement au-delà d'une longueur raisonnable.

 

 

Iris Murdoch. Le Message à la planète. Traduit par Paule Guivarch. Gallimard, 1992, 692 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE ANGLAISE
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