Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

Voici un témoignage à faire lire d’urgence à tous les préparationnaires d’hypokhâgne !!

    Arthur Nesnidal en a bu la purge au lycée jusqu’à en vomir et dénoncer d’une plume révoltée l’abrutissement intellectuel, le mépris incessant qu’endurent les étudiants d’une classe préparatoire. « Je parle au nom de ceux qui subissent le glaive ; je jetterai le jour sur ces ombres sans voix ».  L’ensemble est caustique, satirique et tellement vrai !

   Sa rébellion se déverse en longues périodes émaillées de métaphores animalières et  guerrières. Le flot s’égare parfois en ruisseaux moins limpides, revers d’une plume jeune, enflammée, mais néanmoins prometteuse.

    Il ne fait pas bon être boursier, malvoyant et fils de paysan quand on prétend faire partie de l’élite intellectuelle française et intégrer Normale Sup' !! A. Nesnidal a dû supporter les vexations des professeurs, mais aussi l’attitude méprisante de ses condisciples de milieu bourgeois. Dans toute hypokhâgne, à fortiori provinciale, tout est mis en œuvre pour décourager les étudiants, réduire de moitié leur nombre et évacuer « les plus mauvais d’entre (eux) » vers les méprisables facultés.

      Véritables « troufions de l’esprit », les étudiants ressemblent à des « galériens », à des « forçats ». On ne leur demande ni de réfléchir ni de prendre plaisir aux textes étudiés ; tout n’est que bachotage et formatage intellectuel. A. Nesnidal brosse le portrait édifiant du préparationnaire idéal, déshumanisé et privé de sens critique, sous les traits d’une jeune fille, « Vénus de Milo encagoulée qui se refuse à vivre, laborieuse et docile (..) sa tête ne contenait que des dissertations ». Tous encaissent les humiliations devant leurs condisciples : » Vous, Mademoiselle, dites-nous ce que vous en pensez, vous qui avez raté votre devoir » !! Les bons chevaux sur lesquels misent les professeurs ressemblent, aux yeux de l’auteur, à des « martyrs auréolés de cernes ».

      Dans la galerie des portraits à charge des enseignants, on croise entre autres, le professeur d’Histoire, « monstre à face marécageuse » ou de Philo, véritable « macchabée professoral ». Malgré tout l’auteur a tenté de tenir, a combattu Cicéron et ses « armures de subjonctifs » grâce à l’arme de l’étudiant, le Gaffiot ! Mais la révolte l’a emporté « J’avais l’outrecuidance, qui donnait des vapeurs aux élèves tartuffes, de ne vouloir qu’apprendre, au point de dédaigner l’art pourtant indispensable de pérorer sans savoir ; aussi en vins-je bien vite à me rendre compte que même nos enseignants pouvaient être ignorants ; et je les reprenais, en toute naïveté » A. Nesnidal a refusé de devenir l’un de ces « martyrs sur l’autel du bourrage de crâne ».

    Ce premier roman, c’est un beau plaidoyer pour la liberté de pensée, c’est le procès jubilatoire des professeurs d’hypokhâgne, et c’est surtout une sarcastique dénonciation de l’esprit des classes préparatoires dont la France est si fière et qui, pourtant se fonde, comme dans certains camps jadis, sur la destruction de la personnalité du préparationnaire.

 

    • Arthur Nesnidal. La Purge. Julliard, 2018, 152 pages.
 

Chroniqué par Kate

 

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :