L'historiographie française du XIX° siècle a fait des Vikings un terme souvent mal utilisé et contribué à une légende noire que ces expositions démystifient. Qui étaient ces Vikings qui se lancèrent à l'assaut de l'Europe aux VIII°-XI° siècles ? Pourquoi ce terme "viking" ? En fait, les Scandinaves partaient "en viking" c'est-à-dire en expédition, commerciale ou guerrière. Nantes connut une série d'attaques. Deux expositions complémentaires à Nantes et à Rezé illustrent cette civilisation scandinave et les conséquences de ces raids vikings.
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« Namsborg, des Vikings à Nantes »
A Rezé, le Chronographe — qui abrite en permanence le résultat des fouilles archéologiques de Ratiatum (époque romaine) sur le site de Saint-Lupien — présente l'exposition Namsborg, nom en vieux norrois de la base opérationnelle scandinave en Basse-Loire. La principauté du chef viking Ragenold dura du IX° siècle jusqu'à la fin du X° siècle. Les guerriers scandinaves auraient eu un camp permanent dans une des îles de la Loire, l'île de Biesse des cartes anciennes, devenu un petit quartier de l'île de Nantes.
Depuis le VIII° siècle, les expéditions vikings ciblaient les estuaires de la Tamise, de la Seine, de la Loire, de la Garonne... et remontaient les fleuves attaquant les cités et les monastères pour trouver or et argent. Ils laissent les souvenirs de pillage, de viol, de mise en esclavage. Les moines avaient fui leurs établissements de Noirmoutier en 834 puis de Saint-Philbert de Grandlieu (alors Déas) et dû s'exiler vers l'Est pour sauver les reliques de saint Philbert, atteignant en 875 Tournus en Bourgogne. Ces pérégrinations relatées par le moine Ermentaire contribuèrent à la légende noire des Vikings.

L'histoire rapporte qu'en 843 lors de l'assaut des Vikings l'évêque Gohard avait été massacré dans sa cathédrale. En 872 ils s'étaient retranchés dans Angers. Une nouvelle prière apparaît : « A furore Normanorum, libera nos, Domine ! »
L'exposition du Chronographe présente les objets trouvés par les archéologues lors de fouilles à Nantes et dans la région. Aux côtés des épées trouvées dans le fleuve, sans doute pas toutes de fabrication viking, figurent des objets du quotidien comme ce denier de la fin du IX° siècle — qui rappelle les tributs payés aux envahisseurs — ou cette clé (de coffre ?) d'inspiration architecturale.
![]() Denier du comte de Rennes Salomon Ier reprenant le type de Charles le Chauve : KAROLVS / GRATIA DI REX Musée Dobrée, Nantes | ![]() Clé en forme de façade d'église |
« Nous les appelons Vikings »
Cette exposition conçue par le Musée d'histoire de Suède à Stockholm arrive au Château des ducs de Bretagne après plusieurs étapes dans le monde. Elle présente la civilisation des Vikings sur la base de ses abondantes ressources archéologiques et entend faire toute la lumière sur les Vikings.

Loin de l'image stéréotypée du Viking réduit à la brute barbare du cinéma, cette exposition offre un portrait nuancé de ce qu'étaient ces Scandinaves au cœur du Moyen-Âge, sans insister sur la violence de leurs expéditions, qui hormis la récupération de métaux précieux, auraient correspondu selon certaines interprétations, soit à un rite d'initiation, soit à un rituel punitif.
Habitat, religion et croyances, pratiques funéraires, rôle de la femme, travail des artisans, armement des guerriers, construction navale et activité commerciale sont analysés de manière claire et accessible pour tous les publics. On peut découvrir leur alphabet — les runes, finement gravées sur le métal, le bois ou l'os. La place des femmes était importante notamment durant l'absence des guerriers partis "en viking" : elles portaient sur elles des clés des coffres de leur maison longue et un couteau pour se défendre.
La finesse du travail sur le métal saute aux yeux de qui se penche sur certaines vitrines consacrées à des objets d'art (religieux particulièrement) aussi bien que du quotidien de la vie domestique ou des expéditions maritimes. A droite un marteau symbole du dieu Thor; la croix chrétienne indique que les Vikings ont réalisé le syncrétisme entre deux croyances vers l'An Mil.
![]() | ![]() Pendentif, marteau de Thor décoré de croix. Original à Lignås, Björsäter, Västergötland, Suède. |


Les vitrines consacrées à la religion, aux croyances, attirent l'attention des visiteurs. La pratique des bateaux-tombe est accompagnée de l'incinération des aristocrates défunts. On peut voir une étonnante reconstitution de bateau-tombe suggérée par la présence seule des rivets qui tenaient les bordés : comme une véritable installation d'art contemporain !
Les pratiques funéraires des Vikings sont bien expliquées. Cette stèle funéraire d'environ deux mètres de haut montre le combat en haut. Les guerriers combattent avec des épées. En dessous, les compagnons d'armes du guerrier mort au combat suivent sa dépouille reposant sur Sleipner, le cheval à huit jambes d'Odin. En bas, figure le bateau funéraire. En route vers le Walhalla...

Avec la christianisation, la religion scandinave céda peu à peu sa place. Les savoirs faire traditionnels continuèrent de s'appliquer : en témoigne ce reliquaire en or et argent.

Outre les ressources de l'archéologie, l'exposition présente des pages de manuscrits célèbres : l'Edda qui conte les exploits des chefs vikings au-delà des mers.


Deux expositions indispensables pour ne pas réduire le passé de Nantes aux Gaulois et aux Bretons !
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• Château des ducs de Bretagne, Nantes. Jusqu'au 18 novembre 2018.
• Chronographe, Rezé. Jusqu'au 6 janvier 2019.