Ça commence quand le narrateur numéro un est encore couché... Voilà un roman plein de fantaisie plutôt que de “non sense”, sous le signe d'Alice bien sûr et aussi d'Italo Calvino. Comme une sorte d'ange gardien ou de djinn, une voix qui n'est pas celle de l'auteure, nous informe de l'étrange (in)existence de Kirio, personnage loufoque mis au monde par la romancière dans un tunnel des Alpes au retour d'un voyage de noces précipité en Italie.
Bientôt Kirio marche sur les mains, se perd en Ardèche, est recueilli par un chevrier. A seize ans, près de Montélimar, il est envouté par la belle Prisca, la « Grande Anaconda de la volupté ». Plus tard, Kirio vit en marginal à Paris mais dans un bel immeuble de la rue Cavendish. Enfin, échappant à l'asile psychiatrique, le voici qui se précipite chez les frères Grimm pour s'incarner en joueur de flûte comme un célèbre personnage de leurs contes.
L'ange narrateur fait appel à des témoins pour compléter la biographie de ce personnage hors du commun qui « prenait tout au pied de la lettre ». « C'était un ami à moi » dit Duval. Il y a aussi Boileau, Clémentine, Beck et Winter, appelés à la barre des témoins dans une parodie de procès... Voici même le président de la République en visite à Saint-Lô pour soutenir les salariés en grève de Moulinex au temps où « sa popularité dans les sondages était tombée sous le niveau de la mer ». C'est ainsi que Kirio passa à la télévision.
Avec un narrateur qui déclare qu'il n'existe pas, ce livre plein d’espiègleries, pourrait, si l'on en cherchait une justification, illustrer le thème de la relation de l'auteur avec son personnage.
• Anne Weber. Kirio. Seuil, 2017, 218 pages.