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Naître tutsi au Rwanda voici quarante ans ne présageait pas du meilleur destin. Pourtant, S. Mukasonga a su tracer son chemin vers la réussite. Elle le revisite dans cette autobiographie dont le titre ironique donne le ton : entre humour et affliction. L’auteure s’est battue pour obtenir son diplôme d’assistante sociale. Sa remarquable capacité de résilience tient autant à son caractère obstiné qu’à son père, Cosma « pour qui seule l’école pouvait sauver la mémoire » : elle s’y est employée à travers ses romans (comme Notre-Dame du Nil).

 

Un « beau diplôme c’est un talisman qui te sauvera de la mort » ; « mon père ne s’est pas trompé ». En effet, contrainte de s’exiler pour poursuivre ses études, S. Mukasonga a échappé au génocide de 1994 où tous les siens ont péri.

 

Étant tutsi elle fut chassée en 1973 de l’École Sociale de Butare et découvrit « les douleurs de l’exil » à Gitega, au Burundi. Sans argent ni soutien, « solitude et tristesse » furent son lot. Certes elle l’obtint ce diplôme, son « véritable passeport : la seule preuve que, quelque part dans le monde, [elle] existait ». Encore naïve elle crut trouver un emploi, en vain. « Opiniâtre, entêtée » audacieuse, elle finit par être embauchée par l’Unicef à Gitega : ce furent cinq années heureuses.

 

Mariée et mère de deux garçons elle suivit son mari à Djibouti : ce furent cette fois six années éprouvantes sans aucun emploi. Mais c’est sur cette « terre sans vie » qu’elle prit conscience de son identité :  « Au Rwanda, j’étais une tutsi (...) un cafard en sursis, au Burundi une exilée, partout dans le monde une apatride selon le HCR : j’étais et je resterais, où que je sois, africaine ». Arrivée en France en 1992, S. Mukasonga voulut croire encore au pouvoir du beau diplôme : hélas il n’était pas reconnu en France. L’auteure reprit des études et décrocha le sésame français, ce diplôme qu’elle avait « tant désiré » pour réaliser son rêve et « tant haï » pour les épreuves qu’il lui avait fait affronter. Mais lorsqu’elle apprit le génocide où tous les siens avaient été exterminés, à la douleur et au désespoir se mêlèrent le remords d’avoir choisi de les quitter et la honte d’être encore vivante.

 

À plusieurs reprises S. Mukasonga est retournée à Kigali ; dans ce « nouveau Rwanda » elle n’a guère retrouvé les lieux de son enfance. Tout a changé, les femmes ont pris leur place sur le marché du travail, les coutumes disparaissent : on ne boit plus l’unwarwa, la bière de bananier avec laquelle les interhamwe se droguaient avant d’aller exterminer les tutsis...

 

Cette romancière aujourd’hui reconnue a fait preuve d’une grande combativité : « je savais puiser au sein même des épreuves auxquelles je me heurtais depuis ma jeunesse (...) un regain d’énergie. C’est un bel exemple où se révèle toute l’ambiguïté de l’exil, entre chance et souffrance. Mais c’est la scolarisation, au départ, qui le rend fécond.

 

Scholastique Mukasonga. Un si beau diplôme !  Gallimard, 2018, 185 pages.

 

Chroniqué par Kate

 

Tag(s) : #LITTERATURE AFRICAINE
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