La mythologie a offert aux artistes d'immenses possibilités dès ce tournant de l'histoire occidentale qu'on a appelé ensuite la Renaissance. Nul ne s'étonnera donc que le mythe d'Andromède et de Persée ait inspiré des artistes européens de diverses écoles jusqu'au XXe siècle. Un super-héros, une situation tragique, voire une histoire d'amour, les raisons ne manquaient pas pour créer des images marquantes.
Persée, super-héros |
Selon les auteurs anciens (Apollodore, Hyginus, Ovide), le roi d'Argos nommé Acrisius a été averti par l'oracle de Delphes que son petit-fils le tuerait. Aussi a-t-il mis à la porte sa fille Danaé et son enfant. Celle-ci se réfugie sur l'île de Sérifos : le roi Polydecte en tombe amoureux mais expédie son fils au loin pour s'en débarrasser : Persée se voit demander d'aller tuer l'horrible Méduse l'une des trois Gorgones et de rapporter sa tête. Mission quasiment impossible puisque c'est un terrible monstre muni de serpents qui lui sortent de la tête et qu'elle peut changer en pierre quiconque la regarde dans les yeux. Polydecte ignore que des dieux ont décidé de protéger Persée. Hermès lui fournit une épée et une paire de sandales ailées — un cheval ailé nommé Pégase dans d'autres sources. Athéna lui donne un miroir de bronze et une cape qui rend invisible. Ainsi équipé, Persée finit par trouver Méduse, il l'immobilise à l'aide de son miroir qui lui renvoie son regard pétrifiant et lui coupe la tête. Du sang qui en coule naît le corail, fait seulement retenu par une minorité de peintres.
C'est dans le bronze que Benvenuto Cellini représenta Persée brandissant la tête coupée de Méduse à la demande des Médicis qui avaient repris le pouvoir.
En 1800, Antonio Canova, lui, le sculpta dans le marbre : la posture est semblable quoique moins guerrière.
Andromède, une victime à sauver |
En arrivant en Ethiopie, Persée rencontra Andromède, la jolie fille du roi Céphée et de la reine Cassiopée. Sa mère prétendit qu'elle était plus belle que les Néréides. Celles-ci ne le supportant pas obtinrent vengeance de Poséidon : il envoya le monstre marin Céto (ou Cetus) dévaster le royaume et dévorer les habitants de la côte. Désespéré, le roi s'en remit à l'oracle d'Ammon qui lui suggéra de sacrifier sa fille pour apaiser la colère de Poséidon. Poussé par ses sujets et faisant bien peu de cas de sa fille, il la fit enchaîner à un rocher, en proie offerte au monstre !
Peu d'artistes ont représenté Andromède seule une fois enchaînée. En 1869 Gustave Doré la peignit ainsi, attachée par les poignets, et menacée par le monstre marin qui s'approchait d'elle, gueule ouverte. On ne voit pas son visage. Elle semble chercher à s'agripper à un rocher hors d'atteinte du monstre.
Andromède occupe tout l'espace de la toile de Tamara de Lempicka reconnaissable à son traitement des volumes et à l'accentuation des ombres. Ses chaînes sont projetées au premier plan comme pour demander au spectateur de venir la délivrer. On est en 1929, l'artiste actualise l'image en la maquillant de rouge à lèvres et de fard à paupières.
Sur ces entrefaites arrive Persée : « Non tu n’es pas faite pour de pareilles chaînes, mais pour celles qui unissent des amants passionnés » lui déclara-t-il selon Ovide, (Métamorphoses, Livre IV). Difficulté en perspective : Andromède est déjà promise à un autre prince... Pour délivrer la belle, Persée demande en effet sa main. Mais il lui reste à combattre le Mal incarné par Céto. De quoi composer des œuvres complexes, que nous verrons en premier, pour nous pencher ensuite sur des compositions plus dépouillées.
Les scènes les plus théâtralisées du mythe |
1) Piero di Cosimo (1462-1522)
Avec cette œuvre extraordinaire de 1510, l'artiste organise son tableau comme un récit. Près de la plage, se tient la bête énorme et hideuse avec sa tête chimérique, ses deux cornes éléphantesques pointées vers Andromède, ses grosses pattes et sa queue en tortillon. Au premier plan à gauche, l'entourage d'Andromède se désespèrent de la voir enchaînée et menacée par le monstre. Mais voici qu'habillé de pied en cape, Persée aux chaussures ailées jaillit dans le ciel depuis la droite et se pose sur le dos de la bête qu'il attaque à l'épée. Andromède enfin délivrée, les mêmes personnages, maintenant au premier plan à droite, laissent éclater leur joie accompagnés par les musiciens. Le peintre a voulu donner une couleur exotique à son tableau avec un personnage enturbané — le roi Céphée — et un musicien noir puisque l'action est sensée se dérouler en Ethiopie.
2) Giorgio Vasari (1511 - 1574)
Très coloré, son Persée et Andromède est une huile sur ardoise. Venu à cheval, habillé et casqué, Persée qui porte des sandales ailées, ôte la chaîne et libère Andromède adossée à un rocher, nue et joliment coiffée. Elle nous fait face mais ferme presque les paupières, le visage tourné vers les nymphes. En bas du rocher le corail se forme du sang de la tête coupée de la gorgone Méduse, conformément au texte d'Ovide (Métamorphoses, IV). Le miroir qui a permis à Persée de la vaincre est posé au bord de l'eau. A droite s'ébattent les nymphes, les Néréides, nues et coiffées à l'image d'Andromède, accourues pour savourer le spectacle de son châtiment. Une ville en arrière-plan satisfait aux mises en scène paysagées de la Renaissance. Par rapport à l'image composée par Piero di Cosimo, l'évolution vers le maniérisme est manifeste.
3) Joachim Wtewael (1566-1638)
Son Persée secourant Andromède présente une version très détaillée illustrant une vision plutôt fantastique du sujet. Andromède, rousse, blanche et nue, la pommette rougie, tourne le regard vers Persée qui descend du ciel à cheval (sans tête de Méduse). Il s'apprête à attaquer le monstre griffu rose et vert dont l'image se trouve aussi chez Véronèse, Titien, mais en plus irréel. Au loin une ville, quelques personnages esquissés sur la rive aux barques. Au premier plan l'extraordinaire collection de crânes et de coquillages marins, plusieurs suggérant le sexe à peine voilé d'Andromède en attente de son libérateur.
4) Annibale Carrache (1560-1609)
Dans la version d'Annibale Carrache, avec l'aide de Domenichino, pour la Galerie Farnèse, Andromède devient nettement le sujet principal, la scène de combat est passée au second plan, derrière le rocher, sous les yeux des spectateurs horrifiés situés à droite pour équilibrer la composition. Comme dans la première œuvre d'Arpino (fig. 17), Persée à cheval tient la tête de Méduse au dessus du monstre gueule ouverte.
5) Pierre Mignard (1612-1695)
Dans cette œuvre le roi Céphée et la reine Cassiopée remercient Persée d'avoir délivré Andromède offerte en sacrifice à un monstre marin. Ils sont suivis de toute leur Cour ! Le tableau a été peint pour le prince de Condé cousin de Louis XIV. Cette atmosphère triomphale se retrouvera chez Rubens (fig. 47).
6) Nicolas Bertin (1668-1736)
Il s'agit d'une toile au format modeste (71 x 51 cm.). Elle date du premier quart du XVIIIe siècle. Auteur d'une série de scènes mythologiques insérées dans un décor baroque, Bertin ne se contente pas de peindre le trio Andromède - Persée - dragon crachant du feu. Il y ajoute deux nymphes enlacées et presque cachées au premier plan, et trois angelots dont deux se chargent de détacher les chaînes de la captive alors que d'autres artistes réservent à Persée cette douce tâche.
7) Charles-Alexandre Coypel (1694-1752)
La toile de Charles-Antoine Coypel s'inscrit elle aussi dans le grand spectacle avec de nombreux personnages, des effets de vagues où s'ébattent les nymphes malgré la proximité du monstre, et un ciel d'orage bien tourmenté. Au pied de la forteresse, dont les murailles sont surmontées d'une foule de spectateurs, on pense reconnaître le roi Cephée et la reine Cassiopée pleins de douleurs et implorant le succès Persée. Leur fille est enchaînée mais comme assise sur un trône !
8) Jacopo Amigoni (1675-1752)
Vers 1730, l'œuvre de Jacopo Amigoni montre un Persée sans casque, descendu de cheval. Son bouclier orné de la tête de Méduse repose sur la rive : à sa vue le monstre gronde mais reste à l'écart sur la mer. Alors Persée détache délicatement Andromède et au-dessus d'eux, deux amours virevoltent tandis que sur l'autre rive, des familiers de la princesse attendent la fin de son supplice. (Une autre version au musée Hyacinthe Rigaud de Perpignan selon la base Joconde).
Encadré 1 - Dans les arts mineurs
Deux plats en majolique présentent entre eux de grandes similitudes, ne serait-ce que parce qu'Andromède n'est pas enchaînée à un rocher mais à un arbre.
Le Metropolitan Museum possède une majolique d'Urbino où Andromède à la chevelure rousse est enchaînée nue à un arbre. Le monstre à ses côtés ne semble pas la menacer plus que ça : leur regard est tourné vers le corps décapité de Méduse d'où s'échappe le sang source du corail. Dans un ciel rouge et nuageux surgit un homme en armes, nu lui aussi, brandissant une épée, protégé d'un bouclier, survolant une ville de bord de mer. La couleur rouge est abondante : les nuages, le bouclier de Persée, les cheveux d'Andromède, les ailes du dragon, et bien sûr le sang perdu de Méduse.
Le musée d'Arezzo possède cette représentation d'Andromède également enchaînée nue à un arbre. Elle ne regarde pas le monstre qui l'épie, un dragon menaçant. Persée s'approche sur son cheval ailé. Le bleu ici domine : ciel et eau, vêtements des personnages secondaires sur la rive.
|
Quand le mythe est réduit à l'essentiel |
Les artistes vont souvent simplifier le schéma d'ensemble pour le rendre plus percutant. Au risque de perdre le lien avec la richesse de la légende mythologique, la composition se trouve alors réduite à trois figures : Persée, le monstre et Andromède. Celle-ci est toujours enchaînée, souvent mise en valeur par un éclairage favorable, et le monstre Céto ressemble tantôt à un gros crocodile combattif, tantôt à une baleine ou à l'image qu'on se fait d'un dragon.
Un homme, une femme, un monstre, c'est la solution choisie par Tiziano Vecellio dit le Titien.
Paolo Calieri, dit le Véronèse, inverse le choix du Titien dans cette œuvre où Andromède est à droite et non à gauche. Elle est à peine enveloppée dans une cape rouge et sa silhouette se détache sur le ciel nuageux. Le monstre est très griffu et sa gueule aux crocs acérés est prête à dévorer aussi bien Persée que la belle enchaînée. Le paysage urbain qui sert de fond à la composition est davantage précisé.
Ce suspense haletant est également le choix de Giuseppe Cesari, dit Cavaliere d'Arpino, peignant en 1592 cette huile sur ardoise. Contrairement aux deux précédents, c'est la pâleur d'Andromède, du cheval, du monstre même et du ciel qui frappe. Andromède, les cheveux au vent, est rousse là aussi, elle regarde qui vient vers elle, c'est Persée enfourchant Pégase, tenant d'une main une épée et de l'autre la tête coupée de Méduse, plongeant vers la mer. Le monstre a une tête de gros chien et un corps de crocodile.
Dans une huile sur lapis lazuli, aux couleurs vives, le même Cavaliere d'Arpino montre une scène également dépouillée : mais on ne voit plus la tête de Méduse et Andromède regarde seulement le monstre.
Une variante très colorée en existe à Vienne.
Le tableau de Charles-André van Loo a cette particularité que la moitié de la surface de la toile semble couverte par le trio.
On peut faire le même constat pour la version de Jacopo Palma il Giovane dont l'Andromède est un beau modèle enchaîné et bien en chair. Ceci montre que des artistes ont voulu se démarquer du récit antique à leurs yeux trop riche de détails. Néanmoins ceux-ci amènent à des représentations très contrastées.
L'Andromède de Donato Creti (début XVIIIe s.) surgit aussi au milieu de la nuit, éclairée étrangement, tandis que le vent étale une gigantesque parure bleu outremer.
François-Emile Ehrmann donne une vision dramatique, plus que d'autres, la fille ne veut pas voir, et cache son visage dans son bras.
La version de Giorgio de Chirico fait preuve d'une audace extrême : Andromède n'est pas enchaînée, c'est une femme fatale qui, assise sur un rocher couvert de velours rouge, jette un œil distant sur le combat qui se déroule sur la plage.
Encadré 2 — Deux bas-relief Le premier est complexe. Il est dû à Benvenuto Cellini et orne la base de sa statue florentine. Son originalité réside dans la présence d'un homme placé entre Andromède et ses parents attristés. On peut l'interpréter comme Phiné, son oncle à qui elle avait été promise, d'où son geste de colère ou de dépit. L'autre exemple se réduit aux deux figures héroïques. Vers le milieu du XIXe siècle, le sculpteur berlinois Julius Troschel (1806-1863) réalise ce bas-relief où Persée prend la main d'Andromède qu'il vient de libérer.
|
Variations sur Andromède prisonnière. |
Beaucoup de tableaux reprenant le thème d'Andromède sont des nus accompagnés d'une bête et d'un combattant. Souvent, bien qu'enchaînée et menacée d'être dévorée, elle ne semble pas inquiète. On la voit indifférente, boudeuse, voire heureuse d'être prisonnière de ses chaînes.
Inspiré par le chant X d'Orlando Furioso, Ingres peignit en 1819, un Roger délivrant Angélique d'un monstre marin, conservé au musée du Louvre, tout à fait semblable aux scènes de délivrance d'Andromède ! Ici, son Andromède semble indifférente sinon boudeuse et lassée de s'ennuyer sur son rocher. Par ailleurs,
Un Persée et Andromède de Gustave Moreau, 1869, montre une Andromède quasiment pâmée d'aise. Les trois têtes de Persée, d'Andromède et de Méduse forment un triangle. Le monstre marin semble combattu au seul regard de la tête de Méduse sur le bouclier.
Le sujet avait particulièrement plu à Gustave Moreau. Il en peignit une autre version : Andromède totalement indifférente à ce qu'il se passe en mer attend tranquillement, une cheville enchaînée, dans une atmosphère de soleil couchant.
D'autres artistes ont abordé le sujet autrement. L'angoisse, la peur, l'effroi se lisent sur les visages.
Pâle, inquiète, voire apeurée, l'Andromède de Rembrandt se distingue aussi par une robe rabattue sur ses jambes.
L'Andromède d'Eugène Delacroix frappe moins par sa féminité que par sa pâleur. C'est l'angoisse qui se lit sur son visage.
Le tableau où Andromède est au comble de l'effroi, et emportée par la colère, face à son injuste sort est sans aucun doute celui qui dû à Chassériau : dans cette œuvre très riche en couleurs le peintre montre les Néréides attachant au rocher une Andromède qui se débat, les cheveux en bataille, le front plissé, la bouche ouverte pour crier.
Comme d'Arpino (fig. 17), Carlo Saraceni peint une Andromède au teint très pâle, et la chevelure rousse coiffée en chignon alors que ses cheveux forment ailleurs une masse dénouée (cf. Ingres, fig. 27 ; d'Arpino, fig. 19, etc).
Ce tableau d'un Anonyme de 1600 joue en revanche sur le contraste entre la nuit et la blancheur du corps anorexique de la belle Andromède, étonnamment mince par rapport aux canons de l'époque. La tristesse se lit sur son visage. Et Persée n'apparaît pas.
Mince aussi est l'Andromède d'Emile Bin. Tiraillée entre deux rochers, elle suit avec une extrême attention l'action de son sauveur. Sa position oblique est remarquable, au contraire de la plupart des compositions qui montrent Andromède debout ou presque.
L'oblique du corps d'Andromède dans la composition précédente peut se rapprocher de la composition d'Henri-Pierre Picou. Avec le même contraste des couleurs et la présence du même guerrier au casqué ailé. En revanche, on voit mieux le rôle de la tête de Méduse pour aider Persée à vaincre le monstre marin.
Andromède est toujours peinte de face ou de trois-quart plaçant le spectateur devant sa nudité : seins et sexe. A l'exception — unique ? — d'Edward Burne-Jones dans l'une des œuvres qu'il consacra à ce mythe. On y admire Andromède de dos. Etait-ce un effet du puritanisme de l'époque victorienne ? Non, puisque Andromède est représentée de face dans une autre œuvre du peintre (fig. 49).
Encadré 3 - Le mythe en dessin Le Rijksmuseum possède une riche collection de gravures sur ce thème. Gravée d'après Maerten de Vos, cette mise en scène du mythe s'accompagne d'une citation de quatre vers inspirés du Livre IV des Métamorphoses d'Ovide illustrées par Crispijn de Passe. Infelix nimium religata ad saxa cathenis Andromede monstris et data prœda fuit. Cernit Abantiades hanc, euictóque dracone Liberat, et thalami ius dat habere sui. On peut comparer avec le dessin de François Chauveau (1613-1676) qui montre réellement le combat de Persée avec le monstre, créature effrayante. Cela rappelle bien des saints Georges combattant leur dragon. Originalités supplémentaires : la scène compte deux témoins, et surtout le résumé de l'action que je transcris : « Andromède, fille de Cassiopée, Reyne d'Ethiopie, fut exposée à un Monstre Marin, lorsque Persée passant par là, la délivra du danger, tua le Monstre, et en suitte l'épousa, s'en retournant chez Acrize, son grand-père ».
Un dessin de Franz van Mieris, daté de 1691, traite le thème de façon classique, sauf que ni la chevelure déployée ni aucun vêtement ne masquent la toison du sexe d'Andromède. |
Persée : héros antique ou chevalier de la Renaissance ? |
La plus ancienne représentation serait une fresque de Pompéi. Persée aux pieds ailés, nu et très bronzé, une cape dans le dos, tient de la main gauche une épée sur laquelle est enfilée la tête coupée de Méduse. De la main droite il semble soutenir le bras gauche d'Andromède, figée telle une statue sur un petit rocher, qui porte encore à son poignet le reste d'une chaîne.
Il est intéressant de remarquer les présentations de Persée présentent beaucoup plus de différences que celles d'Andromède. On le voit en combattant nu à l'antique, ou armé comme un guerrier.
Persée est également représenté nu à l'antique dans ce tableau de Raphaël Mengs. Par ailleurs, il semble qu'apparaisse un rapprochement affectueux entre les deux personnages. Andromède est déjà aimante et Persée fier de lui. (Noter la succession de leurs pieds qui est une originalité de cette composition).
De même dans le tableau d'Emile Bin, (fig. 35) le héros est nu, porte un casque et des sandales ailés.
Ailleurs c'est un guerrier idéal, habillé, casqué et armé à l'antique mais revu par la Renaissance que propose Bartolomeo Passarotti,.
Le Persée casqué et en armure qui délivre délicatement Andromède de ses liens vers 1620 sur le chevalet de Theodor van Thulden produit un effet incongru : Pégase ailé, putti sur le cheval, putti en angelot aux petites ailes au premier plan. Ces deux putti introduisent le couple Persée-Andromède vers le futur qui les attend. Une histoire d'amour.
Persée est semblablement équipé par Rubens : bottes, armure, casque à cimier et cape rouge.
Dans le tableau complémentaire de l'Ermitage, Persée apparaît en triomphateur : il reçoit une couronne de laurier et son bouclier rond orné de la tête de Méduse occupe le centre du tableau. Six angelots ou putti annoncent l'union heureuse à venir pour le couple.
La version du Prado apporte moins de décorum et traite la scène de manière plus intimiste. Mais Persée est toujours représenté en armure de la Renaissance.
De même le préraphaélite Edward Burne-Jones l'avait habillé en chevalier médiéval plutôt qu'en héros antique.
On le voit même portant une armure complète avec Lovis Corinth.
Au contraire dans le triptyque de Max Beckmann, en 1941, Persée est une sorte de viking moustachu en tenue de boxeur qui s'empare tant du monstre que de la blonde victime. Difficile d'imaginer une histoire d'amour à la suite...
Le cheval et le monstre marin |
Ailé ou pas, Pégase est presque toujours cheval blanc. Mais Rubens le change de robe dans les deux tableaux précités, l'un est pommelé l'autre pie. François Perrier dit Le Bourguignon, au milieu du XVIIe siècle, fait de Pégase un animal ailé à la robe brune : un cheval bai. Et de Cétus une baleine...
Une version assez semblable est celle d'Alexander Rothaug (1870-1946) mais avec un Pégase blanc.
Le plus imposant de tous ces chevaux c'est celui que peint Joseph-Paul Blanc. Un cheval blanc, justement, ailé et vigoureux, porte un Persée vêtu de son seul casque, l'épée à la main droite et la tête de Méduse de la main gauche. Le cheval domine un littoral hanté d'une petite bête peu visible de prime abord, le monstre réduit par la perspective.
Dans une autre œuvre de Gustave Moreau, une huile sur bois, le suspense du combat semble largement passer par l'affrontement entre le cheval et le monstre marin. Pégase se cabre, Céto se dresse, dragon fulminant de colère face à l'image mortelle de Méduse sur le bouclier du héros.
Si la mythologie l'appelle Céto ou Cétus, on pense à un cétacé, une sorte de baleine en somme, or la réalité des tableaux est parfois tout autre.
Avec la gravure d'après Hendrick Goltzius (fig. 40) conservée au Rijksmuseum et datant peut-être des années 1640, on a véritablement affaire à un cétacé à en juger par le souffle sortant des évents de l'animal dont la queue aussi est conforme à l'image d'une baleine. Par ailleurs ce dessin reprend le décor du premier plan de Wtewael (fig. 7) aux pieds d'Andromède. À s'en tenir au souffle sortant des évents et bien visible, François le Bourguignon aussi s'est inspiré d'une baleine pour peindre le monstre (fig. 40).
L'inspiration de Félix Vallotton en fait clairement un alligator ou un crocodile malgré l'intitulé "Persée tuant le dragon".
Mais la figure la plus fréquente c'est celle — fantastique — du dragon. Charles-André van Loo, nous à confrontés au monstre aux dents les plus longues et pointues (fig. 20).
Le tableau d'Eugène Delacroix, est justement intitulé "Persée combattant le dragon", plutôt que délivrant Andromède. C'est une variante d'un saint Georges combattant le dragon — inquiétante masse sombre au premier plan — tandis qu'Andromède reste dans un flou lointain plutôt spectatrice choisissant un prudent recul et ne semble même pas enchaînée.
Selon Edward Burne-Jones, le monstre que combat Persée apparaît comme un énorme serpent constricteur (fig. 37).
William Etty met en valeur en premier plan le corps de serpent du monstre avec ce Persée allant sauver Andromède, au Royal Albert Memorial Museum d'Exeter. En appelle-t-elle aux dieux ? à un vaillant héros qui la délivrera ? On dirait aussi que le monstre est son gardien !
——————
Cassiopée et Céphée acceptèrent Persée pour gendre. Ses aventures étaient loin d'être terminées car arriva le prince Phinée à qui la main d'Andromède avait été promise. Mais ceci est une autre histoire...