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L'intérêt pour le Moyen-Âge est plus que jamais d'actualité et ce livre très accessible répond bien à cette demande grâce à sa façon de s'en remettre à l'image pour débusquer les usages de cette époque lointaine en Italie, surtout en Toscane, et plus généralement dans l'Occident chrétien jusqu'au XVIe siècle. Les sources iconographiques se trouvent dans les musées, les églises, et plus encore dans les bibliothèques riches de manuscrits. La réussite de l'auteure suppose une attention privilégiée au détail et l'étude de certains tableaux se fait en multipliant les reproductions. C'est le cas de la partie centrale du triptyque de la Sainte Famille de Quentin Metsys, (Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles), de la Vierge à la pergola avec les saints Barthélémy et Jacques, de Bernardino Detti (Museo Civico de Pistoia), et des Jeux d'enfants de Peter Brueghel (Kunsthistorisches Museum de Vienne). Ces trois œuvres datant de 1509, 1523 et 1560 on voit bien l'importance du XVIe siècle dans la documentation de manière à suppléer aux moindres ressources des siècles précédents pour lesquels les manuscrits sont davantage sollicités.
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L'illustration de couverture (BNF, ms. lat. 2688 f 55 - XIV°) nous ouvre les portes d'un foyer au XVe siècle et de fait la médiéviste italienne nous entraîne jusque dans la chambre à coucher de couples d'autrefois. C'est que la chambre et le lit ne servent pas qu'à ce qu'on croit. C'est aussi une salle à manger ou un salon selon les circonstances. Sans être des paresseux, certains travaillent au lit comme cet érudit que montre un manuscrit de la Bibliothèque Mazarine.
Après le lit, le berceau, où les bébés sont emmaillotés comme des momies durant les premiers mois de leur vie. L'auteure dénonce la fréquence des mauvais traitements qu'ils subissent des nourrices. Confier les petites filles à des nourrices c'était souvent des « infanticides différés ». Chiara Frugoni utilise le thème pictural de la Vierge à l'enfant Jésus pour évoquer ces premiers temps de la vie et l'attachement de la mère à son enfant. Plus étonnant est le chapitre consacré à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture : on découvre notamment l'origine des abécédaires. Ci-dessous, il s'agit de tablettes plâtrées, ancêtre des ardoises des écoles de la IIIème République.
Vient ensuite l'étude des jeux et des jouets dont disposent les enfants : là encore les filles ont moins de chances que les garçons. L'œuvre de Peter Brueghel sur les Jeux d'enfants est minutieusement étudiée.
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L'ouvrage de Chiara Frugoni a changé de titre en traversant les Alpes : l'éditeur français a ajouté « en famille » au titre original. Aussi ne sera-t-on pas étonné du contenu des deux derniers chapitres. “Une chambre à soi” (formule reprise de Virginia Woolf) montre tout l'intérêt des cloîtres pour le sexe féminin et en particulier l'accès à la considération et à la culture : du point de vue iconographique, c'est Pietro Lorenzetti, — le frère d'Ambrogio connu pour les fresques du Palazzo Publico de Sienne — qui est mis à contribution avec les tableaux consacrés à la béate Humilité de Faenza (Florence, Musée des Offices, et Berlin Gemäldegalerie). Celle-ci, qui s'appelait Rosanese de la famille noble des Negusanti avait rejoint un premier couvent après le décès de deux enfants en bas âge, à Faenza puis à Florence. Cette « femme énergique et entreprenante », « abbesse au savoir étendu », Lorenzetti la représente plusieurs fois un livre à la main. Ici, Beata Umiltà dicte ses sermons à ses consœurs.
Au monastère alsacien du mont Sainte-Odile, Herrade, abbesse de Hohenbourg (1125-1195) a dirigé la confection de l'Hortus deliciarium (que nous connaissons par une copie). Un folio énumère les religieuses qui y ont participé à ce splendide travail.
Le manuscrit contient également l'Echelle des vertus représentation de la difficile montée au ciel des hommes et des femmes du douzième siècle. Chiara Frugoni explique dans son livre chaque élément de cette scène !
L'ouvrage se clôt avec l'évocation du quotidien des pèlerins, qu'ils aillent à Saint-Jacques de Compostelle ou à Rome. Le manuscrit d'une vie du roi saint Louis (BNF, ms. fr. 2829, f. 102r) contient une passionnante miniature représentant des pèlerins — un jeune aveugle et son compagnon — en partance pour Compostelle et le miracle qui s'en suivit pour le jeune garçon.
Cet ouvrage agréable à lire et à consulter, propice à de nombreuses découvertes, peut toutefois étonner par ses choix. Le travail des champs et des artisans n'apparaît pas, de même que l'on s'attendait à trouver plus souvent nos ancêtres à table ! Il est vrai que l'auteure a produit d'autres ouvrages semblablement illustrés consacrés au Moyen-Âge comme Une journée au Moyen-Âge et Le Moyen-Âge sur le bout du nez.
• Chiara Frugoni. Vivre en famille au Moyen-Âge. Traduit par Jérôme Savereux, Les Belles Lettres, nov. 2017, 348 pages. [Bologne, il Mulino, 2017].