Publié à Rio en 2010, Bleu corbeau est le deuxième titre de la romancière brésilienne Adriana Lisboa à figurer au catalogue des éditions Métailié.
Evangelina, la narratrice, vingt ans passés, dévoile par touches successives et sans ordre chronologiques comment elle a quitté son enfance de carioca pour débarquer à treize ans dans une petite ville états-unienne pour vivre auprès d'un père qu'elle n'avait jamais vu et dont elle ignorait tout.
Née d'un père brésilien et ingénieur, Susana — sa mère — vivait à Albuquerque quand elle mit au monde Evangelina. Francesco, son ex-mari, choisit de la reconnaître comme sa fille, puis il fila au Colorado prendre un job de gardien de musée. Susana et Evangelina vécurent ensuite à Rio. Mais à douze ans, Vanja se retrouva orpheline. Elle avait besoin d'un père. Sa tante Elisa le rechercha. Evangelina écrivit. Il accepta. Et c'est ainsi que la narratrice débarqua à Denver avec ses cheveux bleu corbeau.
« J'irais à l'école publique de Lakewood pendant un certain temps et il m'aiderait dans la mesure de ses moyens » se disait-elle en arrivant chez Fernando. « Puis en fonction des circonstances, je rentrerais au Brésil. Chez Elisa à Copacabana… » Petit à petit, elle apprivoisera ce personnage placide, cet amateur de football à la télévision, qui a vécu sept ans avec sa mère ; elle lui arrachera peu à peu les secrets de sa vie avec Susana comme ceux d'années passées en Amazonie, dans un maquis castriste, au temps de la dictature militaire et du prétendu « miracle brésilien ».
Pour un roman des origines, c'est parfait. Ou plutôt non, car la quête n'est pas finie. Assez rapidement Fernando tombe d'accord pour partir à la recherche du vrai père de Vanja, son père biologique. Et contrairement à ce qu'elle pensait, la narratrice qui ne rêvait que de plage à Copacabana va peut-être prendre racine au Colorado après avoir découvert au Nouveau-Mexique d'anciennes connaissances de sa mère, une grand-mère artiste — et finalement la trace de son père ?
Ce roman a le mérite de nous mettre à la place d'une jeune personne sensible, curieuse de nature, et obnubilée par la recherche de ses origines. La mère, les deux pères, les voisins salvadoriens, tous sont en transit, leur identité n'est pas monolithique. C'est un roman des temps de mobilité, d'identités mouvantes. On apprécie aussi un style plein de trouvailles, mais sans complexités, tout en parcourant à la fois une partie du désert de l'Ouest américain et de la forêt dense d'Amazonie.
• Adriana Lisboa. Bleu corbeau. Traduit du brésilien par Béatrice de Chavagnac. Métailié, 2013, 221 pages.