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Avec ce travail de recherche sociologique très méthodique, associant enquête de terrain et réflexion théorique, la jeune thésarde Julie Pinsolle a cherché à comprendre les pratiques éducatives familiales alors « qu’éduquer ne semble plus guère aller de soi » et que l’on promeut de nouvelles valeurs centrées sur l’épanouissement de l’enfant.

Les parents tentent de s’adapter à une situation paradoxale consistant à « réaliser le modèle éducatif démocratique, libéral et individualiste à l’heure où retentit l’appel impérieux à restaurer l’autorité ».

Les parents aujourd’hui ne peuvent éduquer leurs enfants comme ils l’ont été. L’individualisme démocratique, la philosophie hédoniste, les discours des psychologues amènent à considérer l’enfant comme une vraie personne dont il faut assurer le plein épanouissement au sein de la société de consommation et du plaisir immédiat. Le discours social vante trois nouvelle valeurs, « la Sainte Trinité éducative » comme la nomme J. Pinsolle : le dialogue, l’autonomie et la confiance, dont elle souligne les limites. Dialoguer nécessite une aisance de parole que tous parents et enfants ne maîtrisent pas. Illusoire l’autonomie car le but de l’éducation c’est d’aider l’élève à devenir autonome — Maria Montessori : « Aide-moi à faire tout seul » — et non considérer qu’il le soit d’emblée. Illusoire aussi de lui accorder pleine confiance en prenant l’enfant pour un adulte. Ce nouveau credo risque d’engendrer une désaffection de l’autorité. Car « ce que passent sous silence les valeurs éducatives actuelles, c’est la nécessité d’inculcation des règles ». Éduquer c’est contraindre ;  dire « non » à l’enfant c’est lui faire accepter la frustration fondatrice.

En fait, la chercheuse a constaté que seulement 7% des parents interrogés ne punissent pas ; la plupart tente de mettre en pratique ces nouvelles valeurs en modulant la relation d’autorité : négociée, l’adulte doit justifier par des arguments les règles qu’il propose ; didactique, il donne l’exemple en s’appliquant à lui-même la règle. Cette attitude semble prévaloir.

Certaines situations quotidiennes confrontent les parents à la régulation de l’autorité : les risques physiques que l’enfant peut courir, sa relation au multimédia, son travail scolaire et ses sorties avec ses pairs. J. Pinsolle a dégagé trois profils parentaux : les « épicuriens perplexes » qui laissent leur enfant libre si la situation ne présente pas de risques ; les « cadres souples » qui négocient pour tout excepté l’usage des écrans ; et les « contingents » qui varient sans cesse leurs pratiques quelles que soient les situations.

En définitive, plus que les valeurs, c’est la cohérence des pratiques parentales qui a de l’importance dans l’éducation de l’enfant.

Très éclairante cette enquête révèle néanmoins que la socialisation de l’enfant reste minoritaire dans le discours des parents interrogés : ce constat ne peut laisser indifférent car apprendre à l’enfant à vivre avec autrui demeure fondamental pour sa vie sociale.

• Julie Pinsolle. Une question d'autorité ? Les pratiques d'éducation familiale. PUF, 2017, 230 pages. Collection « Partage du savoir ». Prix Le Monde de la recherche universitaire.

— Sur le même sujet, voir aussi : Daniel Marcelli, Il est permis d'obéir (2009).

Chroniqué par Kate

Tag(s) : #EDUCATION, #ESSAIS
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