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Interprété par Aleksandr Zbrouïev, un retraité solitaire d'un village russe paumé reçoit un télégramme qui l'invite à participer à Moscou à une émission de radio, la nuit. Il se procure une guitare et prend tristement le train pour la capitale. Arkhipova, l'animatrice — une femme âgée de sa génération — reçoit des appels en direct de personnes qui ont apprécié les airs qu'interprétait Alexeev en s'accompagnant à la guitare. Des témoignages reconnaissants émanent d'Okoudjava et de Vyssotski ! L'animatrice lui montre des vidéos où l'on voit des cosmonautes de la station spatiale internationale saluer un de ses “tubes”. Un document de tournage le montre en compagnie de Tarkovski pour une pause thé. Par la suite Alexeev se voit remettre un disque collector de ses succès pressé à son intention avec le logo des éditions Melodia. À la fin de l'émission Alexeev repart en taxi...
L'habile construction du scénario ne se limite pas à ces scènes de studio. Pour des retours dans le passé soviétique des années 70, un autre acteur joue le rôle d'Alexeev jeune à l'Université de Toula ; à l'époque il croyait devenir ingénieur puis travailler dans l'industrie de l'armement. Le KGB ne lui en voulut pas d'avoir crié en pleine nuit le nom de Gagarine sous les fenêtres d'étudiants qui lui avaient fermé leur porte. En ces temps, il chantait avec un succès inégal jusqu'au jour où il fut invité à un concert en pleine nature, entre forêt et fleuve. Dans ce contexte très russe il rencontra une jeune fille, reporter stagiaire. Alexeev pouvait devenir un chanteur populaire.
À diverses reprises revient la question « Peut-on revivre sa vie grâce à l'amour ? » L'alternance des scènes au studio et des enregistrements anciens joue donc sur la nostalgie. En somme cette émission aurait célébré des visiteurs nocturnes autrefois adulés du public... ?
Non. Et le doute s'immisce à plusieurs reprises. On s'étonne par exemple que le studio ne soit pas signalé de l'extérieur de l'immeuble. Ce qui n'était qu'un léger doute voit tout se transformer une fois Alexeev reparti. On assiste alors à la déconstruction des enregistrements utilisés, de manière bien plus radicale que dans une conférence de Derrida. Comme si tout avait été fabriqué !
Tout le monde ne comprendra pas ce film de la même façon. Il me semble que l'animatrice aux cheveux blancs n'est autre que la jeune reporter avec qui Alexeev avait à peine amorcé une idylle autrefois et qu'elle était animée par une bonne intention au point de squatter un appartement pour y monter un studio éphémère pour le recevoir. J'interprète son invitation à l'émission et les enregistrements qu'elle lui offre comme une cadeau de rêve et d'amour — mais sans se dévoiler —fait à l'ancien chanteur amateur, ce qui explique le titre Film sur Alexeev (en russe « Kino pro Alexeeva ») qu'accompagne une chanson bien connue de Serge Gainsbourg.
• Film sur Alexeev. Film russe de Mikhaïl Segal. 2014. 95 min. (A voir en version russe sur Youtube).