
Dans la litanie des périodes tragiques de notre histoire nationale, où la tendance est d'accorder une place croissante aux conflits du XXème siècle au détriment du reste, on en vient trop souvent à oublier nos guerres de religion qui s'étirèrent entre le massacre de la Saint-Sylvestre et le règne d'Henri IV. Les fanatismes qui les mirent en œuvre ont éveillé l'attention de Patrick Wald Lasowski avec ses Singes de Dieu. Dans ce roman historique il s'est donné pour objectif de ressusciter pour nous l'histoire des Seize, meneurs de la Ligue catholique, qui firent de Paris une base fanatique d'où sortirent des régicides, les assassins d'Henri III et Henri IV.
Ce roman bref se présente principalement comme le témoignage de Pierre Tison, fils d'un officier des Guise et devenu un capucin enfiévré de haine contre les “modérés”. Agissant dans l'entourage de Jean Boucher, le titulaire virulent de la chaire de Saint-Benoît et l'un des Seize, Tison le bien nommé s'est spécialisé dans les prêches incendiaires, figurant en quelque sorte le dix-septième de la bande assassine.
Selon ces imprécateurs, il fallait d'abord régler le sort des mignons avant celui du roi et ensuite persuader la foule des catholiques. « Que le prêtre est au-dessus des rois, voilà ce qui doit être l'objet de nos prédications » rappelait Boucher à Tison.
« Chiens de mignons ! (…) Voyez-les, ces figures fardées, épilées, parfumées ; ces chevelures refrisées comme il ne s'en trouve qu'aux bordels ; ces bonnets de velours et ces mantelets courts, qui découvrent des fesses méritant le fouet ; avec le ridicule de ces fraises empesées autour de leur cou, de sorte que leur tête ressemble à une tête de veau sur un plat de boucherie ! Tous, mignons, mignonnets, muguets de théâtre, mouches d'infamie, moucherons de taverne, qui se donnent à la danse, aux querelles, aux blasphèmes, bavards et paillards, pour gagner les grâces du roi... »

Le talent de Tison ne s'arrêtera pas à la rhétorique enflammée, c'est lui qui choisira le couteau des tueurs ! Jacques Clément poignarda Henri III le 1er août 1589. Le Béarnais échappa au couteau de Barrière puis de Châtel mais pas à la lame de Ravaillac. Boucher mourut en 1646, exilé et chanoine à Tournai, quant à Tison, nul ne sait quand il s'éteignit.
Dire ainsi les choses c'est allécher les amateurs d'histoire, or c'est à tous les amoureux de belle langue et de récit vigoureux que s'adresse la plume classique de l'auteur, avec un style plein de feu et de fiel qui peut se comparer à celui de Céline Minard dans Olimpia.
• Patrick Wald Lasowski. Les Singes de Dieu. Cherche Midi, 2016, 159 pages.