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Nombre de sujets d'actualité — les incivilités, l'insécurité, le chômage, la corruption, la pollution, le changement climatique et je ne sais quoi encore ­— portent à dire et répéter à tout bout de champ que “C'était mieux avant !”. Exaspéré par cette antienne des « Grands-Papas Ronchon », Michel Serres a décidé d'en montrer la bêtise. Il ne s'est pas embarrassé de grandes considérations philosophiques pour faire éclater sa vérité. Il lui a suffi de piocher dans son expérience personnelle, celle d'un homme né au bord de la Garonne en 1930, et entré avec son accent occitan à l'Ecole normale supérieure et bien plus tard à l'Académie française.

Avant ? C'est quand au juste ? Comme ce bref essai est la suite de Petite Poucette, incarnation des “digital natives” du début du XXI° siècle, il est clair que la première cible du philosophe est le sanglant XX° siècle et son cortège d'idéologies meurtrières, nationalisme et communisme entre autres.

Par la suite, il emprunte un chemin que les manuels d'histoire oublient trop souvent et c'est ce que l'on retiendra ici. On apprécie en passant le ton ironique qui enrobe ses démonstrations.

« Ah ! La provenance ! On savait parfaitement d'où venait le jambon : le porc, engraissé à la ferme de Poulère, nous le tuions l'hiver, pendu par les pattes arrière, au cours de la fête saisonnière nommée cuisine du cochon, à la maison, qui retentissait de ses cris déplorables. Après que la cuisse avait passé, pendue elle aussi, de longs mois à la cave, il fallait un couteau pointu pour en dénicher les vers, entre l'os et le gras, et tenter de déloger nos concurrents directs dans la manducation de la viande. Qui niera que cette présence préservait, favorisait même la biodiversité ? »

Michel Serres puise dans notre vie quotidienne et nos modes pour se moquer des nostalgies mal placées. Il peut aussi remonter à travers des époques antérieures jusqu'au siècle de Louis XIV, pour dénoncer la saleté du linge, les odeurs pestilentielles, l'absence d'éducation sexuelle, le manque d'hygiène et l'effroyable mortalité infantile qui en résultait, la pénibilité du travail qui cassait les dos, etc.

La vie intellectuelle, notamment l'accès au savoir, a heureusement changé elle aussi. L'académicien fustige à juste titre le milieu intellectuel pontifiant d'une certaine époque, quand « les militants et leur maître Althusser ne savaient pas un mot de science, même économique ». Et notre philosophe d'en conclure : « J'ai donc connu des ténèbres dans les plus hauts lieux du savoir ».

Pour toutes ces raisons, Michel Serres va jusqu'à regretter de n'être pas né plus tard. Il faut saluer cette leçon d'optimisme qui s'élève au-dessus du marécage des penseurs déclinistes contemporains.

 

Michel SERRES. C'était mieux avant ! Le Pommier, 2017, 95 (petites) pages.

 

 

Tag(s) : #ESSAIS, #HISTOIRE 1900 - 2000
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