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• Quelle est l'intention de l'artiste lorsqu'il représente un oiseau dans son tableau?

Un oiseau tout seul ? "Les oiseaux gardent parmi nous quelque chose du chant de la Création " écrit le poète Saint-John Perse. Le plus simple est de commencer avec un "peintre animalier" comme Audubon (1785-1851) qui pour ses Oiseaux d'Amérique a recherché l'excellence du dessin et la précision des couleurs. 

John James Audubon. L'oie bernache du Canada
in Bird's of America (1827-38)

Né en 1942, Alain Thomas veut aussi donner à voir l'animal en le magnifiant par l'art, mais dans une célébration de la beauté de la nature qui choisit l'esthétique de la peinture naïve. 

Alain Thomas. Le toucan

Depuis le succès du roman de Donna Tartt, prix Pulitzer 2014, le chardonneret de Carel Fabritius (1654) est devenu célèbre. 

Carel Fabritius. Le Chardonneret. Mauritshuis, La Haye.

 

Le poète Jacques Prévert donne son conseil : Pour faire le portrait d'un oiseau :

Peindre d’abord une cage

avec une porte ouverte

peindre ensuite quelque chose de joli

quelque chose de simple

quelque chose de beau

quelque chose d’utile

pour l’oiseau

placer ensuite la toile contre un arbre

dans un jardin

dans un bois

ou dans une forêt

se cacher derrière l’arbre sans rien dire

sans bouger (…)

 

Franz Snyders (1579-1657) Perroquets et autres oiseaux. Musée de Grenoble. Ces oiseaux, perroquets, toucans, aras,  sont en liberté sur les branches d'un abricotier. D'autres sont en cage :

Justement, Raoul Dufy (1877-1953) a peint une série d'oiseaux en cage et des cages ouvertes, ainsi dans cette lithographie..

Les oiseaux morts gisent aussi dans les natures mortes.

Jan Weenix. 1714. Rijksmuseum.

Le peintre néerlandais Jan Weenix (1640-1719) a réalisé plusieurs natures mortes où figurent des oiseaux, notamment sous forme de tableaux de chasse, dont l'idée est reprise peu après par Jean-Baptiste Oudry (1686-1755).

Jean-Baptiste Oudry. Nature morte au faisan. 1753. Musée du Louvre.

 

• Plus qu'unique sujet d'une œuvre, l'oiseau est souvent pour le peintre un accessoire significatif. Dans la main de cet enfant, jeune membre de la dynastie Médicis, le portraitiste Bronzino (1503-1572) niche un oiselet, sans doute un chardonneret, signe de la fragilité de l'enfance.

Agnolo di Cosimo dit Le Bronzino. Jean de Médicis enfant (1545). Galerie des Offices, Florence.

S'il s'agit de représenter la grâce, la légèreté, dans une scène de genre, l'oiseau trouve sa place. On en veut pour preuve cette toile de Greuze (1725-1805) à laquelle fait écho le tableau suivant de Berthe Morisot (1841-1895).

Jean-Baptiste Greuze. Jeune fille à la colombe.
Musée de la Chartreuse de Douai.

 

Berthe Morisot. Sur le Lac ou La petite fille au cygne (1884). Coll. particulière.

 

L'oiseau est aussi symbole de liberté , lui qui allie la terre ou la mer et le ciel.

Magritte - L'Oiseau de ciel (1964).

L'oiseau bleu, thème de conte sur l'idée de bonheur, a été peint par Chagall (1887-1985) au moins à deux reprises.

1952 1968

 

• Le peintre choisit parfois des oiseaux spécifiques  chargés de symboles. 

La colombe. Elle manifeste l'esprit divin descendant sur les hommes, le Saint-Esprit venu éclairer Jésus lors de son baptême :

 

Maître de Marguerite d'Orléans. Baptême du Christ. Vers 1430. BNF, Paris.

 

Pietro Perugino (1448-1523). Baptême du Christ. 1483. Vatican.

 

Giotto di Bondone (1266-1337) : Saint François prêchant aux oiseaux. c.1298. Assise.

 

Elle est symbole de liberté. Dans sa série sur l'Arche de Noé, Marc Chagall peint la colombe partie sur ordre du patriarche à la fin du Déluge et revenant témoigner du retrait des eaux : c'est la liberté pour la Création de reprendre sa vie terrestre.

Marc Chagall : La colombe de l'Arche. Musée Chagall, Nice.

 

Chagall. Soleil sur Saint-Paul de Vence. 1962.

 

La colombe est symbole de la pureté, de l'intelligence humaine qui élève, et fort souvent symbole de l'amour, aux côtés de Cupidon.

 

Lambert Sustris ( ? - 1584). Vénus et l'amour attendant Mars. 1555. Musée du Louvre.

 

Benjamin West (1738-1820). Cupidon relâchant deux colombes. 1798. Coll. privée.

 

Francesco Hayez (1791-1882). Vénus jouant avec deux colombes. 1830. 
Musée d'art moderne et contemporain de Trente et Rovereto.

 

La colombe enfin représente la Paix telle celle dessinée en 1949 par Picasso pour le Mouvement de la Paix au temps de la Guerre froide.

Pablo Picasso (1881-1973). La colombe de la paix. 1949.
 

L'aigle :  c'est attribut de saint Jean l’Évangéliste, "l'aigle de Patmos" du nom de l'île grecque où il s'est exilé pour échapper à la persécution supposée de l'empereur Domitien. L'aigle est censé s'attaquer aux serpents du Mal. Chez Bosch, l'aigle au premier plan à gauche observe une bête diabolique. 

Jérôme Bosch (1450 env - 1516). Saint Jean l’Évangéliste à Patmos. 1485. 

 

Ganymède, le jeune berger décrit par Ovide dans ses Métamorphoses, était si beau que Zeus (Jupiter pour les Romains) s'est fait aigle pour le kidnapper et l'emmener au Mont Olympe.  Dans la version du Corrège (1489-1539), le jeune garçon ne semble nullement effrayé.

Antonio Allegri da Corregio dit Le Corrège. L'enlèvement de Ganymède. c.1531. Kunsthistorisches Museum, Vienne.

 

À l'inverse, un siècle plus tard, Rembrandt (1606-1669) rajeunit  Ganymède en  bébé urinant de peur tandis que l'aigle maléfique l'emporte !

Rembrandt van Rijn. L'enlèvement de Ganymède. 1635. Gemäldegalerie, Dresden

 

Aussi bien attribut de Zeus que du Christ et souvent identifié à Lui, l'aigle symbolise la concentration à cause de la puissance de sa vision. Seul oiseau à pouvoir fixer le soleil, quand il descend en vol c'est la lumière elle-même qui descend éclairer les hommes.

Aigle bicéphale. XVIII°e s.
Chapelle de la Piétat, Abbatiale de Saint-Savin, Hautes-Pyrénées.
 

Bicéphale, il symbolise aussi le pouvoir suprême des armées ou d'une dynastie dans les blasons. 

 

Le corbeau a, seulement en Europe, une interprétation négative depuis le développement agricole car il mangeait les graines.

Vincent Van Gogh (1853-1890). Champ de blé aux corbeaux.
Musée Van Gogh, Amsterdam.

 

Il est l'oiseau nécrophage et de mauvais augure, l'Oiseau noir des Romantiques. Et il s'accorde bien avec de tristes paysages hivernaux.

Caspar David Friedrich (1774-1840). L'Arbre aux corbeaux (1822)
Musée du Louvre.

Otto Dix (1891-1969) Randegg im Schnee mit Raben. 1935.

 

En positif, le corbeau c'est le symbole de l'intelligence, de la perspicacité, de la force et d'un certain pouvoir magique. 

 

Saint Paul ermite nourri par le corbeau.
D'après Le Guerchin (1591-1666)

Au musée du Louvre, il existe une autre version de saint Paul ermite nourri par les corbeaux par José de Ribera — mais le corbeau est à peine visible...

 

Le paon est l'animal préféré d' Héra qui a épousé Zeus. Sa queue en roue symbolise la roue solaire et par delà, la résurrection et l'immortalité.

On le voit dans le tableau La Vierge au Paon, posé à gauche sur la barrière. Van den Bossche annonce ainsi l'exceptionnel destin de l'Enfant.

Aert van den Bossche. Vierge à l'Enfant avec un paon (1492).
Minneapolis Institute of Arts

Cet oiseau est aussi un symbole de la vanité.

Jan Weenix (1640-1719). Fleurs, fontaine et paon. c.1710.
The Wallace collection. Londres.

 

• Le cygne et Léda. C'est l'oiseau hermaphrodite ainsi que le symbole du poète inspiré : androgyne, il est à la fois d'une blancheur lunaire et ombre, tel le  cygne noir.

 

Le plus souvent il symbolise la lumière mâle et fécondatrice car Zeus s'est transformé en blanc cygne pour séduire Léda, associant dès lors l'oiseau au désir sexuel. Nombreux sont les tableaux représentant ce mythe : nombreux les artistes qu'il a inspirés !

Cesare da Sesto. Léda, le cygne et deux enfants. c.1515. Galerie Borghèse, Rome.

 

Jacopo Robusti, dit Tintoretto (1518-1594). Léda et le cygne.
Florence, Galerie des Offices.

 

Le Corrège. Léda et le cygne. 1531-32. Gemälde Galerie, Berlin 

 

François Boucher (1703-1770): Léda et le cygne. (1742) Stair Sainty Gallery, New York.

 

Théodore Géricault (1791-1824). Léda et le cygne. Musée du Louvre.

 

Gustave Moreau (1826-1898). Léda et le cygne. Musée Gustave Moreau, Paris.

 

Paul Cézanne. Léda au cygne (c.1880). Fondation Barnes. Philadelphie

 

Marie Laurencin. Léda et le cygne (1926). Lithographie.

 

Paul Delvaux. Léda (1948).

 

Nicholas Kalmakoff (1873-1955). Léda et le cygne

 

Nicholas Kalmakoff. Léda et le cygne noir

 

Salvador Dali. Leda atomica. 1949. Figueras

 

• Les peintres aiment aussi à représenter des oiseaux fabuleux, fantastiques, tirés ou non de la mythologie. 

"Oiseaux sacrés, oiseaux chers à Thétys, doux alcyons, pleurez !". Les alcyons sont connus grâce au poème d'André Chénier, La Jeune Tarentine (1794).Ce sont des  oiseaux fabuleux, symboles de paix, et Thétys est la déesse marine mère d'Achille.  Mais bien d'autres oiseaux imaginaires peuplent l'histoire de la peinture

Max Ernst. Illustration pour Oiseaux en péril de Dorothea Tanning, 1975.

 

Les sirènes. Non pas la petite sirène de Copenhague, mais la sirène antique et méditerranéenne. Ulysse sur le chemin du retour rencontre les sirènes, un célèbre vase attique le rappelle. Dans le récit d'Homère, Ulysse s'est fait attacher au mât de son bateau et a fait obstruer de cire les oreilles des marins tant est dangereuse la voix de ces femmes-oiseaux ! 

Parmi les harpies, on peut retenir celle de Jean-Baptiste Coriolan (1590-1649), un graveur italien natif de Bologne.

Giovanni Battista Coriolano. Harpie (1640).

 

Le peintre Bernard Buffet a représenté les harpies, divinités de la dévastation et de la vengeance divine. Elles sont trois. Selon Hésiode elles ont un corps ailé d'oiseau et une tête de femme. Virgile les situe à l'entrée des enfers.

Les Harpies. Visions de "L'Enfer" de Dante, Bernard Buffet (1977).

 

Le phénix (ou fenghuang, phénix chinois). Il est inspiré du héron cendré, oiseau sacré de l'antiquité égyptienne  devenu un  oiseau mythique. Il incarne la renaissance puisqu'il renaît de ses  cendres et ainsi symbolise l'immortalité.

Phénix. Mosaïque d'Antioche. VI° siècle, Musée du Louvre.

 

Le Phœnix, animal fabuleux.
Extrait d'un livre pour enfant de  Friedrich-Justin Bertuch (1747-1822).
 

Il est le symbole de la Résurrection du Christ. Mais aussi symbole du feu créateur et destructeur du monde. C'est sans doute pour cette  raison  que saint Jean de la Croix y voyait  le symbole négatif de l'imagination, de la distraction, du divertissement.

 

Paravent avec phénix chinois. Ecole de Kano. Période Edo. Musée d'Art Fuji, Tokyo.

 

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La conclusion — accompagnée de la célèbre pie d'un des tableaux impressionnistes les plus connus  —  consiste à inviter ceux qui viendront consulter cette page à poursuivre par eux-mêmes la collection d'oiseaux qu'offre la peinture ancienne ou actuelle et à poster en commentaire les liens choisis !

Claude Monet. La Pie. 1868-69 - Musée d'Orsay, Paris.

 

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Tag(s) : #BEAUX ARTS
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