Cet essai paru à l’automne n’a rien de révolutionnaire, en dépit du bandeau rouge de couverture ! K. Robinson, spécialiste de l’éducation, ne prétend pas livrer des révélations mais seulement enjoindre l’éducation nationale de se transformer, comme l’ont déjà fait de nombreux établissements en France et en Europe. On en trouvera la recension au dernier chapitre. On pourra également consulter l’ouvrage d’Antonella Verdiani, « Ces écoles qui rendent nos enfants heureux » publié chez Actes Sud en 2012.
Ken Robinson exhorte tous les acteurs éducatifs à modifier leur regard sur l’école et à adopter les procédures innovantes. Car l’enseignement conventionnel français fonctionne encore selon les paramètres de l’ère industrielle ; on formait des manuels et des intellectuels en fonction de métiers connus. Désormais l’école du XXIe siècle doit permettre aux jeunes de s’adapter à des professions encore ignorées, dans un avenir dominé autant par la flexibilité professionnelle que par les outils numériques. Dès lors l’essentiel n’est plus la somme des connaissances accumulées, mais l’apprentissage qui permet d’en acquérir. Après avoir dressé un état des lieux de l’école, Ken Robinson montre par de nombreux exemples étasuniens, français et anglais comment on peut la métamorphoser. Jamais il ne se réfère à l’instruction des élèves, mais toujours à l’éducation, l’ensemble des connaissances et des compétences, et à l’apprentissage pour les acquérir.
L’auteur fustige la standardisation et le conformisme de l’enseignement conventionnel où les élèves, répartis en classes d’âge subissent les contraintes des tranches horaires, des programmes imposés à tous et des nombreuses évaluations et tests de type PISA.
Or l’ensemble n’engendre que stress, frustration, anxiété des jeunes parfois jusqu’au suicide ; l’obsession est telle chez les enseignants que « désormais la manière dont on évalue la discipline détermine la manière dont on l’enseigne » et « empêche les professeurs de se consacrer à l’apprentissage ». Ken Robinson ne rejette pas l’évaluation mais la forme qu’elle prend aujourd’hui : elle ne reflète pas l’essentiel car selon lui « Ce qui est important n’est pas toujours mesurable, et ce qui est mesurable n’est pas toujours important ». Ce qui l’est, c’est la progression de l’élève sur son chemin d’apprentissage d’une compétence ou d’un savoir : chacun a sa manière d’y parvenir et apprend à son rythme. Par exemple, qui peine encore à lire en CE1 suivra sans difficulté les maths de CM2. Il est donc nécessaire d’offrir à chaque élève un parcours personnalisé, d’identifier et de développer ses talents, ses appétits : c’est une conception holistique de chaque élève, une posture nouvelle à adopter. En effet, « si tant d’élèves peinent, c’est en partie parce qu’on ne les considère pas comme des personnes. On ne reconnaît ni ne valorise leurs talents ». Et le cœur de cette « révolution » c’est l’apprentissage, la mise en action de chaque élève en multipliant les pédagogies de projet en interdisciplinarité, le travail en groupe et le recours aux arts : par exemple, pour créer un petit film, une pièce de théâtre ou une exposition, chaque élève discute, est en situation concrète de réflexion et de développement de son esprit critique — et non plus passif face à des connaissances assénées en cours. Ainsi le jeune assimile les fameux « fondamentaux » — lire, écrire et compter — en les mettant en pratique, à des vitesses différentes.
Reste que cette transformation du regard sur l’école nécessite une profonde révolution des modes de penser. La résistance au changement, la peur de se lancer dans une aventure inconnue, bloquent encore trop les acteurs éducatifs sourds à l’innovation qui « vient d’en bas ». On pense au cas de Céline Alvarez, l’auteure des « lois naturelles de l’enfant »... Comme nous ignorons quels seront les professions de demain, il faut développer chez les jeunes la capacité d’acquérir dans n’importe quel domaine. L’apprentissage, en situation concrète, qui mène l’élève à se poser des questions, doit guider les enseignants. Par ailleurs, cessons de vouloir toujours tout mesurer et quantifier. Les années d’école sont semblables au vrai voyage : ce n’est pas le sommet à atteindre qui compte mais le chemin à gravir pour y parvenir. Car c’est sur ce chemin que l’élève se trouve et se réalise.
• Ken Robinson et Lou Aronica. Changez l'école ! La révolution qui va transformer l'éducation. Traduit de l'anglais par Marianne Bouvier. Éditions Play Bac, 2017, 453 pages.
Chroniqué par Kate.