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Le film culte d'Eisenstein, le Cuirassé Potemkine, sortit à Paris en 1926 dans un cinéma de quartier. Fiodor Ivanovitch Zavalichine, — ses amis l'appellent Théo —, a vu le film et de là, tout s'enchaîne comme dans une série noire.

Théo était soldat à Odessa en 1905, justement, quand il y eut ces émeutes et ces mutineries et qu'il dut tirer sur la foule, de loin, sans trop voir s'il tuait des femmes et des enfants, pensant surtout à la fille légère qu'il aimait. Et maintenant, vingt et un ans plus tard, après la guerre qu'il a faite avec bravoure en France, où il est resté comme émigré russe apatride avec son passeport Nansen, et désormais établi comme photographe, voilà qu'il ressent une culpabilité comme jamais auparavant. Tel le moine Zossime des Frères Karamazov, il est accablé par une culpabilité atroce et qui vient de loin.

La séance de cinéma lui porte un coup si terrible qu'il doit à tout prix avouer sa faute, son crime : fiévreux et comme fou, il se rend à la police. Une crise d'épilepsie l'envoie du commissariat à l'hôpital psychiatrique. Un journaliste rédige sur cet extraordinaire fait divers un petit article qui attire l'attention sur Théo. Ce journaliste rend ensuite visite à Théo à l'hôpital pour lui apprendre qu'il enquête sur un autre ancien combattant russe, soupçonné d'avoir égorgé sept jeunes femmes à Deauville et que, d'ailleurs, son journal a reçu une lettre de dénonciation. Théo comprend tout de suite que l'assassin ne peut être que son ami Ivan Domani, un grand mutilé de guerre pour qui il avait accepté de faire des photos érotiques avec ces jeunes femmes. Théo se rend chez Domani : si ce dernier parlait, Théo serait tenu pour complice. Impossible ! Il le supprime et dans la foulée tue aussi sa femme.

S'en suit une cavale chaotique et burlesque à la fois. Les crimes paraissent s'additionner comme par magie dans le sillage de Théo, qu'il les ait commis ou pas...

En plus du traumatisme de Théo en 1905, ce court roman aborde le thème du choc de la guerre sur le psychisme des soldats qui ont survécu aux combats dans les tranchées et leur inadaptation à la vie civile. Le sentiment de culpabilité de Théo reste à ses yeux uniquement attaché à ce qu'il s'est passé au bord de la mer Noire alors que ces événements de 1926 l'emportent vers la catastrophe, plutôt que vers la rédemption et avec lui Mado la jeune infirme qui n'a rien d'une sainte Nitouche mais croit pourtant aux miracles...

Iouri Bouïda. Potemkine ou le troisième cœur. Traduit par Sophie Benech. Gallimard, 2011, 160 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE RUSSE
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