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Le film d'une réalisatrice venue de Zambie ? La rareté de la chose commande d'aller le voir d'autant que le sujet d'“I am not a witch” constitue une raison d'importance !

La jeune Shula se trouve accusée d'être une sorcière par une femme furieuse qui témoigne devant l'agent Joséphine au commissariat. Appelé pour résoudre le cas qui intrigue, Monsieur Banda intervient avec un sorcier et une poule à sacrifier. Tel est le point de départ de l'aventure à la fois comique, désolante et enfin tragique de la petite fille.

Livrée à Monsieur Banda, la gamine se retrouve au camp des sorcières. Là on ne dit pas qu'elles sont réduites en esclavage, mais seulement qu'elles sont « contrôlées » pour ne pas s'envoler et aller se livrer à des activités criminelles. Ainsi sont-elles attachées à de longs rubans que dévident des bobines, parfois placées sur la remorque d'un camion lorsqu'elle doivent se déplacer ! Les touristes viennent même visiter ces sorcières et les photographier.

Monsieur Banda, fonctionnaire de l'Etat vivant dans une luxueuse villa, et lui-même subordonné de la reine de la région, utilise Shula pour trouver les coupables des larcins, puis pour faire la publicité de ses entreprises. Shula est donc une affaire rentable. Les autres sorcières entendent récupérer leur part du profit pour acquérir de somptueuses perruques pour ressembler aux actrices et aux chanteuses à la mode...

Devant ces événements, Shula reste généralement passive bien que ses pouvoirs soient affirmés par Monsieur Banda. Mais lorsqu'il va s'agir de faire tomber la pluie pour mettre un terme à la sécheresse le pouvoir de Shula sera mis à rude épreuve. C'est aussi à ce moment qu'elle va tenter de mettre fin à cette entourloupe, au risque de sa vie. Couper le ruban pour s'échapper libre, c'est risqué : comme lui dit une sorcière plus âgée, si tu choisis de devenir chèvre tu risques d'être tuée en fuyant vers la forêt.

Ce film excellent tient autant du conte que du pamphlet. Rungano Nyoni, la réalisatrice et auteure du scénario, se défend de critiquer spécialement son pays et rien dans les plans successifs du film n'indique de référence à la Zambie. L'action pourrait se passer un peu n'importe où en Afrique au sud du Sahara, avec une petite école en plein air dans la brousse, avec deux ou trois albinos, où Monsieur Banda envoie un jour Shula pour éviter d'être poursuivi pour violation de l'obligation scolaire. Cependant, le film critique indirectement l'exploitation des femmes — toutes ces prétendues sorcières semblent effectivement retenues contre leur volonté et accepter passivement leur sort — et la corruption d'un affairiste sans scrupule et de son épouse aux goûts de luxe.

Le film sortira en France le 27 décembre 2017 [cf. article du Monde à cette date]. Il comblera un public de jeunes spectateurs aussi bien qu'un public adulte désireux de rencontrer du cinéma sortant de l'ordinaire. L'acteur qui tient le rôle Monsieur Banda est tout à fait savoureux, la gamine qui incarne Shula fait très authentique, et — autre point positif — la réalisatrice a su modérer l'accompagnement musical du film. 

• I Am Not a Witch. Film de Rungano Nyoni. 2017. 1h 40 env. (Plusieurs extraits sont accessibles sur You Tube et un Interview de la réalisatrice à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2017).

 

 

Tag(s) : #AU CINEMA, #AFRIQUE
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