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Avec ce premier recueil de nouvelles de l'écrivain hongrois on pénètre dans un monde plutôt noir et désespéré en suivant de longues phrases tortueuses qu'on n'hésitera pas à relire et relire encore avant d'être finalement éclairé sur leur sens. Autrement dit, une écriture difficile qui requiert une forte participation des lecteurs et lectrices qui s'aventureront à la découverte d'un monde ténébreux, angoissant et kafkaïen plus souvent que joyeux ! Un passage de la nouvelle “Fuir Bogdanovitch” résume bien la philosophie de ces textes. « Plus on regarde le monde avec haine et répugnance, plus le monde devient haïssable et répugnant ; à cela près que même si l'on porte sur lui un regard bienveillant et serein, il reste toujours aussi hostile et imprévisible ; si bien que le mieux reste encore de n'avoir aucun regard d'aucune sorte. »

 

Dans “Il faisait encore nuit à l'heure du départ”, un groupe de réfugiés, survivants, condamnés ou je ne sais quoi, quitte une ville déserte sous le regard de militaires ou de miliciens et se dirige vers un bateau à quai. Son état n'inspire pas confiance aux personnes qui montent à bord, mais c'est “Le dernier bateau”. « C'était la Hongrie » entend-on dire une fois la bateau avancé sur le fleuve.

 

L'histoire du garde-chasse devenu criminel après avoir longtemps exercé son métier en forêt se présente sous deux versions différentes. L'une — “Herman le garde-chasse” — insiste sur le retournement d'une conscience qui se découvre coupable à l'égard de tant d'animaux piégés au point de vouloir maintenant s'en prendre aux hommes. L'autre — “La fin du métier” — évacue la tragédie avec l'arrivée de joyeux compères venus de la ville pour accompagner la « douce et captivante » Marietta « car en ce long hiver l'ennui sévissait » et qu'intrigue cette histoire rapportée par le personnel de l'hôtel.

 

Un type paumé tue le poivrot qu'il a suivi chez lui en croyant découvrir un trésor caché, prend conscience de son crime et fuit vers la campagne. Au village, décidé par prudence à changer de look il décide de se faire raser. Mais le rasoir qui surgit “Dans la main du barbier” annonce peut-être son exécution.

 

Dans “Rozi la piégeuse”, A suit B dont le regard lui a fait rater le train. B espionne ensuite C un énigmatique vieil homme du nom de Szabó qui examine dans son atelier un curieux billot « complètement vermoulu ». Ledit C, qui a bien compris « le petit manège » du « sale freluquet » lancé à ses trousses et l'épiant par la fenêtre, étudie en fait les vrillettes sans se soucier du qu'en-dira-t-on puisque « l'honorable assemblée de feu les citoyens a dégénéré en un ramassis de canailles ». Les trois hommes se retrouvent pour dîner au self de la mère Rozi qui les regarde avec une « joie maligne ».

 

Dans “Chaleur”, un jeune couple a dû fuir son appartement de luxe de peur d'y être attaqué par la foule en révolution, à Gdánsk. Le narrateur et sa femme Konstancia ont trouvé refuge dans un appartement quelconque au cœur d'une cité d'immeubles HLM voués à la démolition. En faisant de la récup' dans l'immeuble, ils découvrent l'existence de stocks de bois et de fûts d'essence, et puis la présence intermittente d'un homme qui se vante de pouvoir les réchauffer bientôt et leur apprend qu'un incendie monstre vient déjà de se produire dans un autre quartier.

 

Fuir Bogdanovitch” se passe après une nuit bien arrosée. Le narrateur veut fausser compagnie à ce gars qui colle à ses pas, mais se résout à lui porter secours sur le quai de la gare. En fait, c'est Bogdanovitch qui trouvera le moyen de fuir l'autre !

 

Après le décès de sa femme, “Le sélectionneur de fréquences” n'arrive pas à écouter la voix de Dieu sur sa radio, en même temps qu'il s'énerve contre le maire qui le réclame pour animer une séance de la chorale du village à la Maison de la Culture. De quoi se retrouver bientôt à l'hôpital psychiatrique...

 

En somme, dans ces histoires qui conjuguent toutes les teintes du noir on voit qu'une pointe d'humour (noir) peut survenir !

 

László Krasnahorkai. Sous le coup de la grâce. Traduit du hongrois par Marc Martin. Éditions Vagabonde, 2015, 183 pages.

 

 

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[Vagabonde est basé à 81600 Sénouillac ce qui explique la mention « ouvrage publié avec le concours de la région Midi-Pyrénées ». La version originale, Kegyelmi viszonyok, a été publiée en 1986 à Budapest et à Frankfurt-am-Rhein par la maison Fischer. ]

 

kkk

 

Tag(s) : #LITTERATURE HONGROISE, #EUROPE CENTRALE ET BALKANIQUE
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