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Une fiction à l’intérieur d’une fiction. On a connu des romans construits sur la découverte de manuscrits dans une malle retrouvée dans un grenier. Alors Camilleri a innové : un jour à Syracuse, l’auteur est contacté afin de se rendre à un mystérieux rendez-vous puisqu’on lui bande les yeux pour s’y rendre. Dans une maison isolée, un certain Carlo qui semble avoir bien des ennemis lui montre du matériel utilisé par les peintres du XVIIe siècle et de vieux manuscrits. Il faut les consulter dans l’après-midi même.

 

   Ces vieux papiers proviennent d’une descendante du peintre Minitti.  Plus qu’un véritable journal, ce sont des notes prises par le Caravage dans sa fuite vers le sud. Condamné à mort pour meurtre par la justice romaine le Caravage avait déguerpi jusqu’à Naples pour retrouver des protecteurs et de là jusqu’à Malte où le Grand Maître Alof de Wignacourt le fait chevalier de l’Ordre pour lui permettre d’échapper à la condamnation pontificale. Cette virée méditerranéenne est bien sûr jalonnée d’œuvres commandées par les chevaliers de Malte puis par des couvents siciliens et reproduites dans le cahier central du livre. Le peintre voit comme un Soleil noir — d’où le titre — qui inspire ses œuvres et leur clair-obscur. Ce Soleil noir serait luciférien estime-t-on à Malte où on a su qu’il consultait une magicienne, la Celestina et ses maléfices, ce qui mène l’artiste en prison. Heureusement, son fidèle ami Minitti organisera son évasion et l’aventure continuera en Sicile ponctuée par les accès de fièvre, les visions et les hallucinations qui font que le génie et la folie se rejoignent.

 

   De même se rejoignent les deux temps de la fiction : « ...au moment où le mystérieux Carlo me donnait à lire les pages du Caravage braqué par des gardes du pape et par des sicaires des Chevaliers de Malte, lui-même voyait une situation analogue, recherché par la police et par les hommes de main de la mafia. »

 

   Pour faire sentir la langue vieillie du Caravage, la traductrice, Dominique Vittoz, utilise des dizaines de termes venus du vieux français ou de l’argot lyonnais comme on l’a vu, par exemple dans “Le neveu du Négus”. Le pauvre fugitif a « l’esprit démanché », on le voit se « belutant le cerveau » et dans une bagarre risquer de « débarouler l’escalier ». Généralement le contexte suffit pour comprendre et goûter ces pages remarquables.

 

Ainsi ce petit livre associe-t-il plusieurs plaisirs : des peintures magnifiques, des aventures épiques, et une écriture au-dessus du commun.

 

   • Andrea Camilleri. La couleur du soleil. Traduit par Dominique Vittoz. Fayard, 2008, 118 pages.

 

— oOo —

 

 

— Voir aussi mon article sur la biographie du Caravage due à D. Fernandez.

 

— D'autres textes d'Andrea Camilleri ont été chroniqués ici :

- Un été ardent (La vampa d'agosto)
- Le garde-barrière (Il casellante)

 

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Tag(s) : #LITTERATURE ITALIENNE
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