Si “L'île du Point Nemo” ou “Là ou les tigres sont chez eux” vous ont rebuté par leur grand nombre de pages, “La Montagne de minuit” pourra vous séduire par sa brièveté : 167 pages. Car le talent est le même.
On part de l'histoire apparemment limpide et archi-simple du concierge d'un lycée de jésuites à Lyon et on aboutit à des recherches sur les élucubrations d'esprits déraisonnables ou provocateurs sur les liens entre le nazisme et le Tibet ! Rien que des foutaises. Quoique...
C'est ainsi que Bastien Lhermine, mis à la retraite par le nouveau proviseur, se retrouve l'objet de l'attention de sa voisine Rose, une historienne qui se passionne pour les archives. Rose a enquêté sur le passé de sa mère résistante pour en savoir plus sur l'homme qui l'a arrêtée, torturée et envoyée à Auschwitz. Rose découvre aussi que Bastien Lhermine est un véritable spécialiste du Tibet, du bouddhisme tibétain, qu'il en connaît la langue. Et qu'il passe son temps à dessiner des mandalas dans son deux-pièces. Incroyable.
Plus incroyable encore : Rose et Bastien partent ensemble au Tibet. Nous sommes en 1986 et déjà l'afflux des Hans commence à submerger le Tibet, comme le constatent nos visiteurs. Avec eux, nous découvrons Lhassa, le Potala mais aussi, sur l'autre rive, et sur une colline, des ruines de temples car les gardes rouges y ont sévi au temps de Mao. Au cours de ces visites Bastien a un accident cardiaque. Dans l'avion du retour il fait des confidences à Rose. Ce sont ces confidences qui la portent à rechercher la littérature tirant de supposés liens entre le Tibet et certains nazis.
Tout l'intérêt du roman ne réside cependant pas que dans l'invraisemblable qui l'a progressivement envahi. Il est aussi dans une narration complexe qui fait intervenir, vingt ans après les faits, une sorte de dialogue par écrit entre Rose et son fils qui, petit garçon, aimait bien lui aussi les histoires avec des sommets himalayens, des lamas et des bouddhistes. Mais si vous aimez principalement le réalisme et les récits chronologiques, passez votre chemin !
• Jean-Marie Blas de Roblès. La Montagne de minuit. Zulma, 2010, 167 pages. (En poche : J'ai Lu, 2012).