Karl Ernest Rudolf Salem Lehmann, dit Henri LEHMANN (Kiel, 1814- Paris, 1892) a peint ce portrait, “Léonide”, en 1848 après avoir été élève d'Ingres. Un éventail à la main est le seul point commun avec le portrait précédent : Léonide s'en distingue par son regard appuyé, à la limite du dédain, par ses épaules nues, par sa robe à manches courtes couverte d'une cape bordée de fourrure. Le cartel la présente comme "Léonide ou Monna Belcolore" : le nom d'une figure apparue dans le Decameron de Boccace (8ème journée, 2ème nouvelle) serait un surnom flatteur dans le contexte encore romantique de 1848.
1909. Au contraire des précédentes, la “Jeune fille de l'île de Sein” peinte par Charles COTTET (1863-1925) affiche une tristesse certaine, le regard plongeant, tourné vers ses pensées. Le peintre a choisi des tonalités sombres en écho avec la vie souvent tragique des pêcheurs dont on aperçoit les barques près du rivage. Seuls points de couleur chaude, leurs voiles forment une diagonale qui traverse le tableau, parallèle à ce regard.
En 1927, Tamara de LEMPICKA (1898-1980) peint sa fille, “Kizette en rose”, un livre à la main. Un souvenir de cubisme entoure le sujet : son corps est un assemblage de volumes simples. Regard provocateur et attitude sensuelle, l'adolescente, vêtue à la mode des années vingt, semble trouver refuge dans le tableau.
“La Belle Mauve”, 1962. Martial RAYSSE s'inspire du pop art pour élaborer ce cliché grand format retouché d'un éclat de mauve sur la paupière et d'un œillet rose collé sur la photo. Voilà une jeune fille coiffée à la mode des Sixties, qui souligne son œillade de ses lèvres entrouvertes — la dentition légèrement visible est le signe d'une époque nouvelle.
1911. “Soir de septembre”. Tandis que les femmes jouent au tennis Maurice DENIS (1870-1943) représente Marthe, son épouse, allaitant leur fils Dominique. Les petits enfants nus, tels des chérubins, transfigurent la scène en une allégorie de Mère Nature. La mer verte et le sable bleu confèrent à cette scène un goût d'irréalité.
À l'inverse du tableau précédent, Tamara de LEMPICKA représente ici une scène dramatique intitulée “La Fuite, ou quelque part en Europe”. Les yeux rougis, les cheveux dépeignés, la mère qui tient son bébé serré dans ses bras semble fuir la guerre comme le suggèrent les nuages noirs qui s'amoncellent à l'horizon. Après avoir fui la Révolution russe, l'artiste née à Varsovie en 1898, a de nouveau fui, de France vers les États-Unis en 1940. Le tableau évoque par sa composition une Madone à l'Enfant d'un maître italien de la Renaissance.
On attribue à Arcangelo SELLAIO (1477-1530) cette “Vierge à l'Enfant”, une peinture sur bois de facture bien classique. Marie porte une robe pourpre sous son manteau bleu. La position des mains souligne l'intimité qui unit la mère et l'enfant. Elle est penchée, protectrice et aimante, sur le visage de son enfant. Le format carré serait dû à un recadrage. Dans cette présentation, c'est la première rencontre avec l'immense collection de François Cacault, ambassadeur de France auprès du Saint-Siège sous l'Empire, entrée dans les fonds du musée en 1810.
Au premier coup d'œil le tableau suivant ne peut cacher appartenir au Siècle des Lumières. Ce “Portrait de Monsieur Olive, trésorier des Etats de Bretagne et de sa famille” peint par la portraitiste Marie-Geneviève BOULIARD (1762-1825) nous donne à voir une famille exemplaire d'une époque où l'on montre volontiers les enfants et l'amour maternel, avec ici le dernier-né sur les genoux de sa mère prête à lui donner le sein. L'artiste a reçu un prix au Salon de 1791 mais le tableau a dû être exécuté vers 1789 puisqu'ensuite les États de Bretagne ont été supprimés. Les grappes de raisin dans les mains de la petite fille tendent à prouver un mariage heureux et l'attitude du mari indique qu'il est fier de son épouse Marie-Françoise au sourire modeste. Celle-ci est magnifiquement habillée d'une robe — de soie ? — à rayures ton sur ton, décolletée, avec une ceinture large qui met en valeur la poitrine, et un châle de mousseline sur les épaules. On admirera aussi l'harmonie des couleurs.
Avec “Une cuisinière”, Jean-Baptiste SANTERRE (1651-1717) donne à voir une femme du peuple ; c'est ce qu'on appelle une scène de genre dans le sillage des maîtres hollandais. Mais il représente "sa" cuisinière : épanouie, les pommettes colorées par le labeur, la poitrine généreuse elle semble presque contente de peler une carotte. Daté d'autour de 1700, cette toile de la collection Cacault préfigure assez bien la mise en scène naturelle d'un Chardin.
Pour sa “Petite glaneuse” de 1884 le peintre suédois Hugo Frederick SALMSON (1843-1894) a choisi de représenter la jeune fille au cours d'une pause dans son travail, épuisée, le regard las, à côté d'épis de blé et au milieu des chaumes. Nous sommes en plein naturalisme : les bottines crottées, les vêtements salis.
Paul SERUSIER (1864-1927) a découvert la Bretagne à vingt-quatre ans et il en résulta l’École de Pont-Aven et son installation à Châteauneuf-du-Faou, dans la vallée de l'Aulne qui s'étale ici en paysage derrière “La brodeuse”. Cette toile daterait des années 1925. Loin de ce qui avait été la manière éclatante des Nabis, on a ici un exemple de ses œuvres tardives inspirées par les primitifs italiens et les tapisseries médiévales, les formes simples priment pour rendre aussi bien le visage empreint de lassitude que les mains de la brodeuse, son matériel et le paysage. Cette simplicité n'empêche pas de nous faire comprendre que cette femme est totalement concentrée sur son travail, et comme dos au vide.
Autrefois attribué à Véronèse, ce “Portrait de femme” du portraitiste Giambattista MORONI (c.1525-1578) remonterait à 1560. La femme du portrait serait identifiée, nous dit le cartel, à Luisa Vertova Agosti, épouse du comte Gerolamo Vertova. Coiffée d'un chignon, cette aristocrate est habillée avec luxe. Le velours noir de la robe aux manches à crevés contraste avec la blancheur d'une mousseline qui s'achève en un col montant jusqu'au menton. Les bijoux et les fleurs à l'oreille modèrent à peine le caractère hautain de cette femme dont le regard autoritaire se perd loin de nous.
L'anversois Frans POURBUS dit le Jeune (1569-1622) a peint cet autre “Portrait de femme” vers 1605 quand il résidait à Mantoue. Rien qu'à l'encombrante fraise alors à la mode on constate ici un réalisme minutieux comparable à celui de portraits d'un autre anversois, Antoine Van Dyck de peu son cadet. Stendhal de passage à Nantes en juin 1837 note dans ses “Mémoires d'un touriste” qu'il a visité le Musée des Beaux-Arts (ce n'était pas l'actuel bâtiment datant de 1893) : “N° 15. Élisabeth, reine d'Angleterre : excellent portrait flamand. Expression de physionomie fine, aigre, méchante; lèvres pincées, nez pointu. Femme non mariée, et parlant de sa vertu. Sa façon de jouer avec sa chaîne d'or est admirable. Je voudrais pour beaucoup que ce portrait fût reconnu ressemblant. Il représente admirablement cette reine, qui battait ses ministres lorsqu'elle était contrariée dans ses desseins. Mais qu'importent ses faiblesses? Elle sut régner.” En réalité, ce n'était pas la reine d'Angleterre ! Mais on partage l'analyse de Stendhal. On retiendra la position de la main, peu fréquente dans l'iconographie, un doigt dans la chaîne du collier.
Autre anversois, autres œuvres de la collection Cacault : voici deux huiles sur toile de Jacob Ferdinand VOET (1639-1689). D'abord le portrait d'Eleonora Boncompagni Borghese.
La seconde œuvre est le portrait de Maria Ortensia Biscia del Drago. Un nom là encore typique de l'aristocratie romaine, un monde de cardinaux. Les coiffures et les robes luxueuses sont comparables, riches de broderies et de rubans.
En exécutant vers 1710 ce “Portrait de Madame de Monginot et de son époux”, François DE TROY (1645-1730) montre une femme en deuil. Le mari est présent sur un vaste médaillon. Sa veuve, droite et digne, trône devant un décor imposant et lourd, bien dans le manque de simplicité des années de la fin du règne de Louis XIV.
Étrange titre pour cette petite toile de Nicolas LANCRET (1690-1743) : “Arrivée d'une dame dans une voiture tirée par des chiens” (ils sont quatre), elle aussi provenant de la collection Cacault. Tous ces personnages costumés évoquent une partie de campagne. Ils font cercle autour de la passagère attendue, robe lumineuse et quelque petit chapeau sur la tête. Sur la droite l'aubergiste les invite à entrer. Le monde insouciant des privilégiés avant 1789...
Le détail montre la coiffure rose, sorte de bonnet, qui laisse voir des cheveux frisés grisonnants (poudrés ?). La dame est accueillie par une jeune valet costumé — à moins que ce ne soit son fils... — et le rose de ses lèvres est assorti à son petit chapeau. On note son sourire mutin...
Ce “Portrait de la comtesse de Noailles” est daté de 1912. La poétesse peinte par Jacques-Émile BLANCHE (1861-1942) toute entière habillée de noir prend la pose avec un sourire mélancolique.
Ce “Portrait de femme” est dû à Paul César HELLEU (1859-1927 ) un proche de James Tissot également présent dans ce musée. En 1886, Helleu a eu la chance de rencontrer le comte Robert de Montesquiou-Fézensac qui devint son mécène et l'introduisit dans l'aristocratie parisienne. Ce portrait en pied montre une femme à la coiffure tout en hauteur, élégante — la taille enserrée dans son corset ! — mais strictement vêtue, gantée et tenant un petit chien à la main. Une image emblématique de la Belle Époque.
Le “Portrait de Madame Pasteur, née Madeleine Alexandre” (1773-1841) par Antoine-Jean, baron GROS (1771-1835) réalisé à Gênes en 1795-1796 représente la jeune épouse du banquier, dans une attitude naturelle, les bras croisés, avec un petit sourire qui contraste avec ce qu'est généralement le portrait officiel. L'élégance d'une tenue d'apparence simple cache en fait une situation sociale élevée.
Le “Portrait de femme” restée anonyme que nous donne à voir André LHOTE (1885-1962) est inspiré par le cubisme qui se traduit par le traitement anguleux du visage. Malgré l'arrondi du bras, la technique tend à ôter toute impression de volume au corps. La coupe de la robe et la coupe des cheveux correspondent à la mode des années 1920. Le regard vague et la dominante d'une palette ocre peinent à donner vie à ce portrait.
“La Mort de Lucrèce” peinte par Jacques BLANCHARD (1600-1638) s'inscrit dans l'histoire légende des origines de Rome : Lucrèce se poignarde après avoir accusé le fils du roi Tarquin de l'avoir violée. Elle a dénudé sa poitrine et tient un poignard — qu'on ne distingue pas d'emblée— et ses yeux se portent vers le ciel pour l'implorer. C'est son honneur bafoué qu'elle décide de laver et son acte ne serait donc pas impie.
En 1923, “La grande plage à Biarritz” de Jacqueline MARVAL (1866-1932) attire une foule de vacanciers. L'image ici reproduite correspond au détail de la seule partie droite du tableau de grand format : appuyées à la balustrade qui domine la plage, des femmes à la carnation pâle et aux visages à peine esquissés sont à l'abri d'ombrelles et de chapeaux. Trois touristes en robes claires, aux tissus vaporeux, voisinent avec une autre en maillot noir une pièce, encore pudique. L'une d'elles arbore la coupe à la garçonne typique des années vingt. Le vent retourne l'une des ombrelles et fait voler la robe mauve à volants de la femme qui tient son chapeau. Tout donne l'impression de corps féminins en liberté.
1923 aussi. Avec “Les baigneuses” de Suzanne VALADON (1865-1938) point de plage. Il s'agit plutôt d'une scène intime du genre femmes à leur toilette, peut-être dans un bordel. À l'inverse du corps “photoshopé” de l'Esclave blanche de Lecomte du Nouÿ, Suzanne Valadon peint le corps de ces deux femmes par un assemblage de plages de couleurs pastel variées, un peu comme chez Cézanne, et choisit de cerner leurs formes de noir. Leur regard ne va pas vers l'artiste : la blonde regarde la brune car elle la coiffe, la brune regarde ailleurs d'un air détaché. La teinte claire des corps contraste avec les tapis rouges. Une impression d'ennui émane de ces femmes objets...
Le tableau de Paul BAUDRY date de 1860 à un moment où le souvenir de cette période de la Révolution est dévalué par le faste du Second Empire. Pour Paul Baudry, originaire de Vendée, la Terreur signifie tellement de malheurs qu'il est porté à faire de Charlotte Corday une héroïne, une justicière, d'où son regard perdu au loin comme pour mesurer l'importance de son acte. Elle vient d'assassiner Marat et ainsi contribuer à venger les victimes de la Terreur dans les provinces de l'Ouest. Le peintre l'a représentée dans une noble verticalité et grandeur nature devant une carte de France, contribuant ainsi à la mémoire nationale.
Les scènes de violence qui suivent s'enracinent non dans la mémoire nationale mais dans l'histoire biblique. Il est à noter que le Musée d'Arts de Nantes expose une série de tableaux de l'histoire de Judith et Holopherne hormis la représentation du Caravage, restée célèbre. Parmi eux :
L'auteur de ce tableau datant des années 1600, est resté anonyme. On sait que la ville de Béthulie étant assiégée par Holopherne chef de l'armée du terrible roi Nabuchodonosor, Judith, une jeune veuve juive, entreprit de le séduire puis de lui couper le coup durant son sommeil pour sauver sa ville. Ici, tenant encore l'arme de la main droite, l'héroïne — autrement dit la" terroriste" ou la résistante — jette la tête du général dans un sac tendu par la vieille servante avant, probablement, de s'enfuir. Ses vêtements, luxueux et sans traces de sang donnent à voir une image idéalisée de la criminelle ! À son air ingénu, qui donc pourrait le croire ? Sa posture penchée, souligne sa détermination alors que son visage reste... impassible !
Virginia VEZZI (1597-1638) a choisi de représenter simplement “Judith avec la tête d'Holopherne" (c.1625). Cette fois-ci, Judith esquisse un léger sourire, tenant toujours l'arme de la main droite, tandis que la tête coupée est cachée sous un tissu qu'elle tient de l'autre main. Des atours de prix, aucun indice d'une scène de crime ; cependant la criminelle semble songeuse.
On attribue à Giovanni Battista SPINELLI (1613-1658) cette “Judith qui vient de trancher la tête d'Holopherne” provenant de la collection Cacault. La composition de cette scène ne manque pas d'intriguer. Le général est allongé, plongé dans le sommeil que lui a procuré la jolie veuve, ou bien le vin. Judith se cache les yeux du bras gauche pour ne pas être éblouie par cette lumière vive qui se concentre comme un spot de théâtre sur son opulente poitrine. Là encore on ne veut retenir de la criminelle qu'une jeune et attirante beauté.
Le titre de la toile de 1930 est simplement “Judith”. Marie LAURENCIN (1883-1956) la peint en train de se préparer à séduire Holopherne. Une servante, agenouillée, s'active pour ajuster sa robe. Déjà la coiffure est prête, les perles aussi. Il n'y a plus qu'à passer à l'action...
Jean BENNER (1836-1906) n'a pas peint Judith et Holopherne mais une autre affaire tragique où la femme s'illustre sans être directement tueuse. Il s'agit de “Salomé” (c.1899) : deux évangiles nous apprennent que Salomé dansa devant son beau-père Hérode et que par ce moyen elle obtint de lui ce qu'elle voulait : la tête de saint Jean-Baptiste. Le roi vient de la lui faire porter sur un plateau. D'autres ont représenté Salomé dansant, Brenner a préféré montrer Salomé tout à son triomphe quand elle nous regarde fière de son coup. On reconnaîtra ici l'esthétique des symbolistes qui chasse tous les détails inutiles.
Peinte en 1898, cette huile sur bois intitulée “L'Âme de la forêt” par Edgard MAXENCE (1871-1954) appartient à l'École symboliste. Ces figures hiératiques émergent sur un fond de branchages indéterminé, auréolées comme les saintes qu'elles ne sont pas, vêtues de chasubles richement ornées. Leur teint diaphane ajoute à l'irréalité de la scène. L'ensemble constitue une belle allégorie.
“La Camargo dansant” vue par Nicolas LANCRET (1690-1743) représente une célèbre danseuse bruxelloise, Marie-Anne Cuppi. Ici,c'est un détail agrandi de l'artiste qui habite à Paris dans les années 1725-50. Vêtue d'une robe de satin clair, décolletée, ornée de dentelles et de guirlandes de fleurs, son maquillage de scène accentue son bonheur de la danse.
Le “Passe-temps honnête” de Kees Van DONGEN (1877-1968) met au centre le chevalet de l'artiste. Celle-ci est attentive à mélanger des couleurs sur sa palette tandis que son modèle, une femme habillée de noir, les yeux maquillés, tient la pose. Le miroir montre sa coupe de cheveux, courts à la mode des années vingt. Les deux femmes sont chaussées de talons hauts. La robe droite de la femme peintre, son bracelet-montre indiquent aussi l'époque où Kees van Dongen brillait à Paris. Le choix de la verticalité étire les corps féminins et dilue l'expression des visages.
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