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Primé à Cannes en 2017, “Faute d'amour”, le nouveau film d'Andreï Zviaguintsev n'a rien de romantique. Un couple en train de se séparer doit faire face à un... imprévu : Aliocha, leur fils unique de douze ans a fugué.

Le père, Boris, a déjà bien anticipé sa nouvelle vie avec une jeune femme : mère d'un petit garçon elle est enceinte de Boris. De son côté, Genia partage déjà son avenir avec un homme riche qui possède un bel appartement de style très contemporain. Autant dire qu'Aliocha gêne leurs projets et voilà, en plus, qu'il a disparu.

Des critiques font état de ce film comme une radiographie implacable des nouveaux rapports de classes en Russie. Je trouve cet avis exagéré. Certes la V.O., les informations télévisées qui traitent du conflit dans l'Est de l'Ukraine avec partialité, et les panneaux routiers en cyrillique, renvoient bien au contexte russe, mais n'est-ce pas plutôt une histoire hélas typique de la société actuelle ? Un indice toutefois relève bien de la Russie d'aujourd'hui marquée par le retour de l'orthodoxie : Boris craint que son patron — que l'on dit fondamentaliste — n'apprenne sa séparation et le licencie.

En fait, Boris (Alexei Rozin) n'est jamais très audacieux, contrairement à son épouse Genia (Maryana Spivak) épatante en furie quand elle noie son mari sous les insultes et les reproches : elle ne l'a jamais aimé, elle n'a d'ailleurs pas davantage eu la fibre maternelle ! Quant à la mère de Genia chez qui le petit-fils aurait pu se rendre, elle est pire que sa fille.

On voit donc qu'à quelques détails près ce film extrêmement bien construit, et évitant tout bavardage inutile et toute scène de remplissage, est totalement un film actuel. Il brille par l'absence de « folklore » russe, comme on en trouvait dans son précédent film, l'excellent “Léviathan”. Il illustre parfaitement l'individualisme de nos sociétés où la quête du bonheur empêche Boris et Genia de regarder leur fils avec amour. On retient une scène terrible où Aliocha pleure derrière la porte de la cuisine où ses parents se disputent.

La fugue d'Aliocha ne mobilise pas immédiatement la police. Arguant de la lourdeur bureaucratique, l'inspecteur de police oriente les parents vers les services d'un groupe de recherche des enfants disparus dont l'organisation s'avère remarquable. Des avis de recherche, des videos de surveillance, des fouilles dans la forêt proche du collège d'Aliocha et de sa résidence, rien n'y fait. On ne retrouve pas Aliocha : le corps qu'on présente à la morgue laisse les parents choqués mais ils assurent que ce n'est pas leur fils. Vérité ou déni ? La fin est ouverte mais d'aucuns prendront le travelling du début et de la fin du film — magnifique vision de la forêt en hiver — comme le symbole à la fois du froid des relations humaines et des lieux où Aliocha s'est perdu à jamais. L'histoire russe rejoint ici l'universel. Un film à voir absolument.

Faute d'amour. Film d'Andreï Zviaguintsev, 2017, 2h08.

 

Tag(s) : #AU CINEMA, #RUSSIE
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