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Il faut croire que la Villa Médicis ne cesse de susciter des créations majeures à ses pensionnaires. Après l'excitant chef-d'œuvre baroque qu'a été l'Olimpia de Céline Minard, nous revoici dans Rome, mais au temps de Benoit XVI.

En raison de discutables projets de réforme, le narrateur, un prêtre du Vatican, a été viré de la Congrégation pour la cause des saints dont il était l'un des responsables. Pour que revienne la foule dans les églises ne proposait-il pas de promouvoir « des saints exubérants et spectaculaires, des saints disco, pulp et kitsch » ? À ceci s'ajoutait une liaison scandaleuse avec Laure, sa confidente puis sa maîtresse, pimentant leurs ébats « par la lecture de confessions de saints, textes échevelés célébrant avec délices la brûlure divine ». Avec elle, il avait établi dans une chapelle abandonnée du centre de Rome un lieu nocturne de perversions où les carabiniers vinrent lui mettre les menottes.

« Vingt ans dans la sainteté. Trop tard pour changer de branche » confesse-t-il dès l'incipit. Le prêtre défroqué cherche donc à rentabiliser ses compétences ; tantôt il se fait guide, tantôt il donne des cours de culture chrétienne à des diplomates venus d'ailleurs. Il se lance aussi dans la promotion de causes perdues, celles de saints improbables d'hier ou d'aujourd'hui. Il se fait consultant pour monter leur dossier comme on monte un dossier de financement ! Telle ou telle candidate à la béatification ou à la canonisation « appartenait à la honteuse famille des saints imaginaires, ces vierges des premiers siècles dont aucune preuve n'attestait l'existence, mais qui étaient censées avoir défendu leur pureté contre des empereurs pervers et des centurions déchaînés ». Comme ce travail n'aboutit pas et que son passeport aux armes du Vatican est encore valide, le voici enfin au volant d'une automobile convoyant de saintes reliques jusqu'à un couvent romain, pour la plus grande perplexité des fonctionnaires de la Guardia di Finanza qui l'ont intercepté sur l'autoroute.

Dans son errance, à Rome comme à Paris, il se remémore le temps heureux passé en compagnie de Laure. Tous deux se lançaient sur les traces de reliques dans les couvents romains, et dans la lecture des textes de mystiques frauduleux auxquels les archives du Vatican filtraient l'accès, tels ceux de cet abbé de Boullan, inspirateur de Huysmans, qui célébrait de saintes orgies sexuelles avant de se retrouver dans une cellule n'ayant plus rien de monacal.

Comme dans un remake blasphématoire de la Légende dorée de Jacques de Voragine, le narrateur glisse dans son livre les fiches de quelques apprentis mystiques contemporains, l'un ne vit que de tags rituels sur les voitures du métro, une autre se confine dans des oratoires improvisés près des péages d'autoroutes meurtrières, un autre se joint aux sdf qui le font passer pour un martyr qu'on a inhumé illégalement en bordure des villes. L'imagination de Philippe Vasset est sans borne et son style très travaillé rend cette lecture jubilatoire, mais déconseillée aux enfants de chœur et aux catholiques pratiquants !

Philippe Vasset. La Légende. Fayard, 2016, 236 pages.

 

Tag(s) : #LITTERATURE FRANÇAISE
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