On garde le souvenir d’ « Une colère noire », publié en 2016, où T.N. Coates exhortait son fils à lutter pour se garder en vie autant que pour comprendre son histoire. Il reprenait l’éducation imposée par son père et qu’il avait évoquée dans son autobiographie, « Le Grand Combat », parue, elle, en 2008. Dans les années 1980-90, dans le vieux quartier de West Baltimore, le contexte social conjuguait la violence des gangs de rue à l’expansion du crack. S’y ajoutait un environnement familial très complexe et hors norme : autour de la terrible figure paternelle gravitaient sept enfants nés de quatre épouses. Ce père autoritaire voulait éduquer ses fils à devenir des hommes. Né en 1975, T.N. Coates est resté longtemps un enfant rêveur, au parcours scolaire chaotique. S’il est bien devenu un homme, s’il a intégré la prestigieuse université d’Howard, c’est autant grâce à son père qu’à la musique.
Vers 1980, à West Baltimore, tous les jeunes noirs vivaient la peur au ventre, car la drogue et la criminalité régnaient en maîtres. Peu intéressé par l’étude, T.N. Coates détestait la bagarre et admirait son grand frère Bill, bad boy dealer et dragueur avant de trouver sa voie. Jusqu’à leurs dix-huit ans où les enfants devaient quitter le toit familial, ils ne manquaient pas d’amour et leurs parents surveillaient de près leurs résultats scolaires.
Mais les diktats paternels les submergeaient. Eveillé tout jeune à la Conscience noire par Richard Wright et Malcolm X, leur père avait fait partie des Black Panthers et restait passionné des « grands prophètes qui avaient rendu l’Egypte à l’Afrique et racontaient notre histoire quand le monde entier prétendait que nous n’en avions pas ». Il « se sentait investi d’une mission », l’idéologie pan-africaniste de Marcus Garvey: unir les noirs du monde entier, les exhorter à forger leur destin. Ce « dictateur impitoyable » refusait de fêter Noël, Thanksgiving et le 4-Juillet et imposait à ses enfants la lecture de livres propres à leur ouvrir l’esprit à la Connaissance. C’est par un autre chemin qu’à douze ans T.N. Coates s’éveilla à la Conscience noire : les rappeurs à l’époque s’inspiraient de Marcus Garvey : « pour moi le rap était un moyen de nous reconnecter à la Connaissance du Vieux Continent » car « cette musique tenait le même discours que mon père » reconnaît l’auteur.
T.N. Coates n’est pas devenu un mauvais garçon ; s’il a su résister aux dangers de son quartier c’est grâce à son père, véritable « despote éclairé » auquel il reste malgré tout reconnaissant ; grâce surtout à sa mère, Cheryl Waters, à qui il a dédié ce livre.
Dix ans après, aux U.S.A., « ce qui n’a pas changé c’est l’oppression. Le système raciste est toujours en place » déclare T.N. Coates. « Il faut toujours faire attention à proximité des blancs ». Il lui reste à « observer ce que Trump va faire à notre pays » poursuit-il.
L’avenir de l’auteur et du peuple noir demeure bien menaçant. En fin de volume un glossaire précise les personnalités de la Conscience noire.
• Ta-Nehisi Coates. Le grand combat. Traduit par Karine Lalechère. Autrement, 2016, 267 pages.
Lu et chroniqué par Kate