Conteur canadien renommé, Michael Kusugak a vécu enfant la vie traditionnelle inuit qu’il évoque dans ce récit d’apprentissage et de formation destiné aux adolescents.
Dans un temps très lointain, près de la baie d’Hudson, Homme-sans-Sourcils et Regard-Aveugle cherchent, selon la coutume, une épouse pour leur fils nouveau-né, Qavvik.
L’homme visite Paaliaq, le chamane, père d’une petite fille, Respiration. Mais celui-ci ne parvient pas à calmer les cris de l’enfant quand il la prend dans ses bras ; vexé qu’ Homme-sans-Sourcils en soit témoin, il lui refuse sa fille et profère envers Qavvik une malédiction : adulte, il ne pourra plus mettre les pieds sur le continent. Les années passent, l’enfant grandit, joue avec sa petite sœur, Petite Adorée. Homme-sans-Sourcils retourne un jour implorer le chamane colérique de lever la malédiction ; Paaliaq, bon et généreux, regrette ses paroles impulsives et accepte. Seulement voilà : pour être efficace, un chamane a besoin d’un aide de pouvoir, souvent un animal choisi, qui permet à l’esprit du chamane de se transporter hors de son corps lors des transes. Celui de Paaliaq est un petit rongeur, un siksik, vieilli et lassé d’obéir à son maître. Il n’est que haine, surtout envers les petits garçons qui le pourchassent. Il prend donc plaisir à se venger en ne levant pas la malédiction qui pèse sur l’avenir de Qavvik. Isolé seul des mois durant sur l’ile de Marbre en raison d’une étrange tempête, le jeune garçon, en compagnie d’une chouette apprivoisée, Ukpigjuaq, organise sa survie grâce aux techniques apprises de son père. Peu à peu il devient autonome et indépendant. Cette dure épreuve, rituel de passage vers l’âge adulte, prend fin lorsque la chouette affamée tue et dévore le méchant siksik. Qavvik et Respiration, réunis, peuvent prendre leur route...
Ce roman suit la structure narrative du conte, où le surnaturel se trame au réalisme des croyances et des pratiques. Le jeune lecteur pourra découvrir la vie quotidienne de ces nomades inuits et se familiariser avec les animaux de ces contrées polaires. Une préface et une postface l’aideront à cadrer l’ensemble.
En outre, comme tous les contes, ce récit offre à l’adolescent une leçon de vie : être « gentil avec ceux qui ne peuvent s’aider eux-mêmes », savoir reconnaître ses erreurs, savoir pardonner à autrui. Car ces populations du Grand Nord ne peuvent survivre que grâce à l’entraide et au partage. Ce récit enseigne que, face au destin, malgré son courage et sa ténacité, l’homme seul ne peut réussir sans l’aide de la divine Nature et l’intercession des animaux.
On regrette toutefois la monochromie grisâtre des illustrations qui ternit la lumière de ces contrées boréales, ainsi que l’absence de carte qui aurait permis de mieux se représenter ce monde inconnu de nombreux lecteurs de tous âges.
• Michael Kusugak. La malédiction du chamane. Traduit par Emilie Maj. Borealia, 2016, 151 pages.