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Dans ce plaidoyer, véritable dossier à charge, les auteurs vilipendent l’école numérique et ses conséquences sur les élèves, les professeurs et les parents. Ces lanceurs d’alerte ne sont pas « de vieux grincheux techno-sceptiques » mais des esprits lucides et vigilants. Certes leur propos se veut alarmiste, qui pointe une école à deux vitesses : l’e-éducation pour les enfants de milieux défavorisés, l’école sans écran, “à l’ancienne” dira-t-on bientôt, pour ceux des classes aisées. D’ailleurs, les enfants des grands patrons de la Silicon Valley, tel le vice-président de Google, fréquentent des écoles Steiner, sans ordinateurs. Étrange... Certes, en France certains professeurs se refusent à l’école numérique (cf. No TICE pour le collège), ou savent en limiter l’utilisation, si leur chef d’établissement, suivant le diktat ministériel, ne le leur impose pas comme la panacée !

En 2014, F. Hollande a lancé le « plan numérique pour l’école Républicaine », assorti l’année suivante du rapport Fourgous — « Réussir à l’école numérique » — et assumé par N. Vallaud-Belkacem dans un discours où elle déclarait que le numérique réduirait « les inégalités scolaires, culturelles et sociales, le décrochage et la démotivation... et permettrait d’ouvrir l’école sur le monde ». Déjà dès 2013, l’Académie des Sciences y était favorable ! Cerise sur le gâteau, le lobbying Microsoft, pour capter le marché de l’Education nationale, séduisit N. Vallaud-Belkacem qui signa un partenariat de treize millions d’euros. Les politiques et les responsables du ministère ont suivi l’injonction de l’innovation et des lobbies sans réfléchir aux conséquences.

Le numérique permet-il donc de mieux réussir sa scolarité ? Eh bien non selon le rapport de l’OCDE–Pisa  de 2015. Depuis dix ans les pays qui l’ont choisi « n’ont enregistré aucune amélioration notable des résultats en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences ». Pourtant, inquiétant paradoxe, l’OCDE persiste à encourager les chefs d’établissement, par nécessité de changement !

Qu’est-ce que l’e-éducation ? une tablette par élève, (parfois dès la maternelle !), des ordinateurs, des TBI (tableaux blancs interactifs) et le téléphone portable de chaque élève pour travailler en classe ; un ENT (espace numérique de travail) où retrouver ses cours, un cahier de textes en ligne le dispensant de noter ce qu’il a à faire. Le soir à la maison il apprend et réalise ses devoirs devant l’ordinateur. En amont les professeurs, souvent sans formation préalable, sont submergés par les tâches préparatoires : le numérique est chronophage.

Que constate-t-on, toujours selon le rapport de l’OCDE ? Les élèves des milieux les plus défavorisés sont souvent les plus équipés et leurs résultats sans cesse plus faibles ; des difficultés de compréhension d’un texte écrit, moins d’attention aux consignes du professeur.

« Ils ne comprennent plus l’intérêt d’apprendre puisqu’ils croient qu’ils peuvent retrouver l’information sur la tablette » déclare un sénateur. On note une nette réduction de la capacité à réfléchir et organiser sa pensée car le numérique amoindrit certaines capacités cognitives. Enfin il ne réduit pas les inégalités : le milieu socioéconomique, le niveau de langage familial, les méthodes des professeurs gardent un rôle primordial.

De fait, le numérique n’est qu’un outil parmi d’autres. Il ne rend pas l’élève performant, seule la bonne maîtrise des fondamentaux — lire, écrire, compter, raisonner — le peut. Mais l’Éducation nationale craint que les élèves ne s’ennuient en classe ! alors le numérique c’est l’école ludique ! Mais les savoirs à assimiler ne sont pas drôles et toujours complexes ! L’ennui reste nécessaire aux élèves, qui les rend actifs et réfléchis, de même que les routines, la répétition, cadrages de tous les apprentissages. Faut-il rappeler que l’école a toujours innové sans le numérique ? Qu’il existe en France des expérimentations d’une école différente dont le Ministère ne fait pas cas ?  Au prétexte d’« être dans le vent » !  Leçon de cet ouvrage ? « Éduquer au numérique, c’est d’abord enseigner à s’en passer » : belle tâche autant pour les professeurs que pour les parents !

Philippe Bihouix et Karine Mauvilly. Le désastre de l'école numérique. Plaidoyer pour une école sans écrans. Seuil, août 2016, 235 pages.

Chroniqué par Kate

Tag(s) : #EDUCATION, #ESSAIS
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