Jean Moulin ou l'art de la caricature

 Qui ne connait Jean Moulin ? Avant de fonder le Conseil National de la Résistance, et d'en devenir le martyr, Jean Moulin avait été attiré très jeune par le dessin et pratiqué l'art caustique de la caricature. 

Sa carrière dans la préfectorale ne lui permettant pas de signer de son nom des caricatures parfois féroces publiées dans la presse humoristique, Jean Moulin s'inventa le pseudonyme de Romanin, du nom d'une résidence de vacances où il avait autrefois séjourné, dans les Alpilles. 

Beaucoup de ses caricatures visent la joyeuse société mondaine des années vingt-trente. Les galeries de peinture à la mode et les bars de Montparnasse servent de contexte pour croquer la présence des artistes de l'Ecole de Paris et mettre en scène leurs admirateurs. 

La légende de ce dessin à l'encre de Chine paru dans Le Rire du 4 janvier 1930 ? « Lui au moins, il a la veine de ressembler à Foujita; il peut se faire inviter de temps en temps par les Américains...» Fréquenter les artistes c'était un must de la vie mondaine des Années Folles, après les pénibles années de guerre.

C'est la femme élégante qui parle : « Alors, vous aussi vous peignez ? — Oui, je souis de l'Ecole de Paris...». L'accent est une façon de nous rappeler que ce qu'on a appelé l'Ecole de Paris est d'abord la convergence extraordinaire d'artistes immigrés : Man Ray, Kees Van Dongen, Amedeo Modigliani, Foujita, Kisling, Jules Pacsin, Marc Chagall, Chaïm Soutine, Jacques Balgley, etc. Pas un seul natif de "Panam"... 

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Outre les mondanités et le milieu artistique de son temps, Jean Moulin a aussi été le témoin de l'inquiétante montée des dictatures en Europe. Et Mussolini l'a particulièrement inspiré.

« Un loustic — Chic, ils ont avancé le carnaval cette année...» En 1929, les accords du Latran entre le Pape et l'Italie ont créé l'Etat du Vatican. Si Mussolini a souvent été présenté en France comme un dictateur d'opérette, voici une autre façon de ne pas le prendre au sérieux — à tort. 

« L'élève Hitler ou l'école de la trique.» En 1934, le chancelier allemand fait le voyage de Venise pour rencontrer le Duce. Chef de cabinet du ministre Pierre Cot dans les années 1932 à 1938, donc au temps du Front populaire, Jean Moulin a partagé des convictions antifascistes — on connaît la suite.

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Un dernier aspect de sa production. En 1930, sa nomination comme sous-préfet de Châteaulin permit à Jean Moulin de rencontrer de nombreux artistes séjournant en Bretagne. C'est dans ce contexte qu'il choisit d'illustrer d'une série d'eaux-fortes une nouvelle édition de l'œuvre de Tristan Corbière, "Armor" (1935). La guerre bientôt revenait avec son sinistre visage...

• Toutes ces œuvres de Jean Moulin font partie des collections du Musée des Beaux-Arts de Béziers, sa ville natale. 

• Actuellement la Ville de Poissy présente une intéressante rétrospective des œuvres picturales de Jean Moulin (jusqu'au 30 novembre 2016). C'est ce qui a guidé mes choix pour cette évocation.