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D’où vient la force des Chinois ? Semblables à la carpe Koï, poisson-culte qui toujours suit sa voie malgré les courants contraires, quels sont leurs atouts pour progresser dans le monde actuel, multipolaire et violent ? Hesna Cailliau donne certaines  explications, en se fondant sur les différences entre les deux cultures : l’occidentale, héritière de la pensée grecque et de la Bible ; la chinoise, de Lao Tseu, du bouddhisme et de Confucius.

La pensée occidentale, très cérébrale, privilégie la rationalité, classe et juge au nom de concepts et d’idéaux abstraits. À l’inverse la pensée chinoise ignore les grandes réflexions théoriques ; pragmatique, elle s’adapte à ce qui advient, tel un surfeur utilisant le potentiel de la vague alors que la pensée occidentale manque de réactivité.

En Chine, l’opportunisme est une qualité ; comme la carpe, le Chinois sait épouser les circonstances, et en tirer le meilleur, juste en « manipulant » son partenaire selon l’auteur. Cet art du détour, de l’esquive, tient au souci de ne jamais perdre la face.

Sauf, et l’auteur n’en parle pas, en cas d’autocritiques télévisées : ceux qui sont jugés « corrompus » n’ont plus d’honneur à préserver. En outre, en Chine, l’être humain n’a pas de valeur en lui-même, mais seulement en tant qu’élément d’un réseau, d’un groupe. La conscience collective étant forte, la notion de liberté individuelle, de même que celle de droit de l’homme restent incompréhensibles pour un Chinois. Par ailleurs, il ignore les notions de bien et de mal dans l’absolu : est bon ce qui est efficace. Les Chinois observent et absorbent tout ce qui peut leur être utile, sans souci de principes ni de valeurs morales préétablis. Cet état d’esprit est difficilement prévisible pour un Occidental.

H. Cailliau connaît et admire la culture chinoise. Néanmoins, dans cet essai, très nourri de citations des sages, enrichissant du point de vue culturel, elle peine à convaincre ; sa réflexion reste surtout livresque, parfois idéaliste sans beaucoup prendre en considération la Chine d’aujourd’hui. Ainsi lorsqu’elle assure que l’inégalité sociale est normale pour les Chinois, habitués à des hiérarchies, elle passe sous silence les récentes grèves dans les usines pour de meilleurs salaires ; elle évoque sans insister le cas des mingong, ces travailleurs pauvres des grandes villes, dont les enfants vivent abandonnés dans les villages. Une colère sociale monte en Chine, bien loin des vertus de discrétion, de maîtrise de soi, de respect d’autrui que l’auteure souligne. De même l’actuel président chinois entend réactualiser les valeurs confucéennes – bonté, sagesse, droiture, bienséance et loyauté, s’il faut les rappeler –, dans cette société qui s’en détourne depuis sa récente ouverture à l’Occident ; et l’individualisme se répand, les super-riches s’affichent sans modestie...

Reste que ce petit essai éclaire certaines manières chinoises de faire société. L’Empire du Milieu s’intéresse au modèle social occidental afin de développer la consommation et de réduire un peu les inégalités ; l’auteure pense que l’Occident gagnerait à retrouver une vraie conscience collective à la chinoise, et à apprendre la souplesse et la ruse du chat qui se cache et sait attendre, au lieu de vouloir dominer avec la certitude d’avoir raison.

Car la véritable efficacité reste invisible, seul son résultat compte comme le dit un ancien dicton : « Peu importe que le chat soit blanc ou noir, l’essentiel est qu’il attrape la souris ».

Hesna Cailliau. Le paradoxe du poisson rouge. Éditions Saint-Simon, 2016, 140 pages.

Lu et chroniqué par Kate

Tag(s) : #CHINE, #ESSAIS, #SCIENCES SOCIALES
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