L'opéra et le théâtre ont souvent repris le personnage de Don Juan, plus rarement le roman. Peter Handke n'a pas reculé devant ce mythe et il en donne une version courte où le personnage voit sa dimension légendaire quelque peu malmenée.
Un jour, poursuivi par un couple à moto, Don Juan surgit dans le jardin d'un aubergiste sans client, proche de Port-Royal des Champs, en Ile-de-France. L'aubergiste, à la fois ravi et patient, jour après jour, écoute Don Juan lui raconter sa dernière semaine d'aventures — d'où le titre. La série commence à Tiflis en Géorgie où Don Juan séduit par son seul regard la mariée des noces où son chauffeur et valet l'a conduit. L'inconduite du valet les oblige à fuir. Cet épisode est le plus développé et le plus cocasse.
Le lendemain à Damas, Don Juan rencontre une femme à une représentation des derviches tourneurs. Toujours l'effet de son regard qui fait que les femmes viennent vers lui, sans qu'il fasse rien de plus ! D'autres lieux se succèdent à un rythme accéléré dans le récit d'aventures de moins en moins précisées. « De la femme de Norvège, ensuite, pour Don Juan il n'y avait pas grand chose à raconter… » Enfin, un pays anonyme : « Il ne savait même pas comment il y était arrivé ».
À chaque épisode la narration raccourcit, s'appauvrit jusqu'à perdre tout intérêt pour le lecteur ! Sauf pour l'aubergiste car son établissement reprendra vie après sept jours de présence de ce Don Juan — le vrai bien sûr — qui n'était pas conforme à ce que d'autres nous avaient fait croire : « Pas une seule fois, de toute la semaine, l'idée de compter les femmes en bloc. »
• Peter Handke. Don Juan (raconté par lui-même). Traduit par G.-A. Goldschmidt. Gallimard, 2006, 110 pages.