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Dans ce petit ouvrage très érudit, M. Bettini et sa traductrice V. Pirenne-Delforge, spécialistes du monde antique, proposent une suggestion aussi humaniste qu’irréaliste à ce jour.
 
Si le monothéisme s’ouvrait à la vision polythéiste du monde, ce « cash value » rendrait le dialogue interreligieux moins conflictuel. Les deux auteurs ont conscience des difficultés considérables pour y parvenir étant donné que polythéisme et monothéisme constituent deux systèmes mentaux antithétiques.
Dans le monde antique, les divinités étaient « interprétables, combinables, empruntables » : Mars, dieu de la guerre, l’était aussi des récoltes et du bétail. Des correspondances existaient entre les dieux des Grecs et des Romains : Aphrodite s’identifiait à Vénus ; Wotan , dieu étranger, s’identifiait à Mercure.
 
En l’absence d’un dieu unique, la grande flexibilité du cadre mental antique permettait « de penser de manière plurielle le monde (...) et de fournir autant de modes d’action pour l’interpréter et agir sur lui » sans que la tolérance fut jamais nécessaire.
À l’inverse, dans la pensée monothéiste la croyance en un unique dieu, exclut toute idée de correspondance entre Yahvé, Dieu et Allah. Cette « exclusion mosaïque » affirmée dans les Livres Sacrés dont chaque dieu est l'auteur, rend impensable l’ouverture de l’esprit à une autre vérité.
 
Pourtant « Jésus et Marie sont également attestés et honorés dans Le Coran » et, selon M. Bettini, les monothéismes sont des « polythéismes masqués » si l’on considère le culte des saints, les anges, les djinns et les diables. Mais toutes ces figures ne tiennent leur pouvoir que du dieu unique. Reste la tolérance, le fait de supporter les autres religions, au nom de la liberté de croire, mais sans reconnaître ni accepter leur dieu. En son nom, un maire renonce à installer une crèche dans un lieu public par respect des musulmans ; ou un autre refuse la construction d’une mosquée. Un peu d’ouverture polythéiste serait donc bienvenue. Il n’en reste pas moins que le changement de cadre mental proposé par les auteurs sera difficile à accepter. Ils adoptent le positionnement rationnel d’intellectuels et confondent le savoir et la croyance Un chrétien, un musulman ou un juif très documenté sur les autres monothéismes et sur le polythéisme antique peut les comprendre mais non les partager car sa foi prévaut sur ses connaissances.
À l’heure où le marché du religieux permet tous les syncrétismes, où Internet favorise la radicalisation sous prétexte de religion, les trois monothéismes n’en demeurent pas moins, dans leur force et leur vérité uniques.
 
Maurizio Bettini. Éloge du polythéisme. Traduit par Vinciane Pirenne-Delforge. Les Belles Lettres, 2016, 210 pages.

 

 
 
Tag(s) : #LITTERATURE ITALIENNE, #HISTOIRE GENERALE, #ANTIQUITE
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