C'est à juste titre que la couverture de l'édition de poche arbore un cercueil et une paire de jolies jambes. À partir de là, on pourrait presque reconstituer l'histoire. Dans le cercueil il y aurait tel ou tel représentant de la belle-famille de Plonque, le narrateur, et les jolies jambes — les quilles en argot — seraient celles de sa voisine, Mme Quillard, dite Lamoule avec qui il vient de vivre une malencontreuse expérience sexuelle. Je dis malencontreuse, car la position de la dame lui a fait perdre le contrôle de sa voiture et il s'est retrouvé à l'hôpital.
De fait, M. Plonque est obsédé par cette voisine du genre allumeuse, surtout depuis que son épouse, l'insupportable Camina née Rachot, ne couche plus avec lui, préférant s’empiffrer de séries télévisées et d'émissions de téléachat au point d'oublier le prénom de son conjoint : elle l'appelle simplement « Eho » ! La famille Rachot ne brille ni par l'intelligence ni par la joie de vivre : tous givrés et gravement suicidaires. Le frère aîné de Camina décède le premier, ce que Camina résume élégamment d'un « Beignet a fait le con ». Dès lors les catastrophes fatales vont s'enchaîner. Déprimé, Maurice se jette sous la camionnette des gendarmes, la mère presque impotente de Camina se jette dans l'escalier, et Bernard s'étrangle lui-même ! Quant à Solange, elle rencontre un véritable étrangleur... en la personne d'Alban Pitaine le croque-mort. Et puis Camina survivra-t-elle à l'incendie de sa maison ?
Tout ça n'émeut pas spécialement notre bon M. Plonque qui s'est planqué depuis sa sortie d'hôpital en se trouvant atteint d'une « paralysie flasque » qui le maintient prisonnier d'une « chaise à roulettes » — du moins quand il ne s'échappe pas gaillardement vers l'appartement de Mme Quillard au risque de tomber sur le violent Bitove, gros buveur à peine sorti de prison, et qu'on suppose proxénète à ses heures, tandis que la Quillard est victime de la concurrence des filles de l'Est qui « cassent le marché ».
Quand ça va mal, vraiment mal, M. Plonque se réfugie auprès de ses « filles de papier » et des bouteilles de « goutte », entendez de l'alcool de prune « de la noberte, une prune en voie de disparition » du terroir ardennais cher à l'auteur, « pas de la banane du Périgord distillé en mélange avec des kiwis des Vosges ». Pour sa consommation personnelle, Plonque possède quatre pruniers de variété noberte dans son jardin...
On boit en effet beaucoup trop d'alcool dans ce roman noir et rigolo de Franz Bartelt où Plonque reçoit les confidences d'un tueur en série qui n'est autre que l'employé des pompes funèbres. À conseiller seulement aux amateurs de romans pleins d'argot, fleuris d'attardés mentaux, de grosses brutes, et d'histoires salaces. Lectrices délicates, s'abstenir !
• Franz Bartelt. Chaos de famille. Gallimard, 2006. - Folio policier, 2015, 246 pages.