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L'édition originale de ce livre date de l'année même du décès de Leonora Carrington. Tour à tour enfant rebelle, égérie des surréalistes à Paris, muse, amante et disciple de Max Ernst, pensionnaire d'un asile d'aliénés en Espagne, émigrée à New York puis à Mexico, où elle peignit l'essentiel de son œuvre, la vie de Leonora Carrington (1917-2011) a été une aventure stupéfiante qu'Elena Poniatowska, qui l'a bien connue, restitue à merveille.

 

L'Angleterre est sa patrie. Son père, Harold Carrington, dirigeait un géant de l'industrie britannique, Imperial Chemical, et menait sa famille en homme plein d'autoritarisme et d'idées conservatrices. Sa mère, d'origine irlandaise, lui donna le goût des légendes celtiques. Rebelle, elle resta à l'écart de ses frères et détesta son père après qu'il avait brûlé Tartare son cheval de bois. Depuis lors elle aima les chevaux — ils seront très présents dans ses tableaux — plus que sa famille. Elle se sentait une jument libre. Elle déclara à son père qu'elle écrivait un manuel de désobéissance. Elle refusa d'épouser Cedric le riche voisin de ses parents. Elle fut présentée à la Cour du roi George V après quoi, toutefois, elle écrivit une nouvelle ironique La débutante. Mise à la porte d'institutions religieuses, elle obtint de visiter Florence et de s'installer à Londres pour étudier les arts, André Breton qu'elle y rencontra vit en elle l'incarnation de l'Amour fou. Dans un ouvrage sur le surréalisme offert par sa mère elle découvrit les premiers tableaux de Max Ernst ; ses provocations l'enchantèrent. « Je ne suis pas gauchère, j'écris et je peins avec les deux mains ». En même temps elle commença à lire les écrits de Freud puis d'autres psychanalystes. Quand elle rencontra Max Ernst, il avait 46 ans, elle 20.
 
 
Leonora Carrington. Autoportrait de 1937. The Metropolitan  Museum, New York.
 
 
À Paris, où sa mère à Paris l'installe rue Jacob, Leonora rencontre tout le milieu dadaïste et surréaliste ainsi que Peggy Guggenheim « la mécène qui impose l'art moderne ». Sa liaison torride avec Max Ernst qui l'appelle « la mariée du vent », se poursuit dans le midi, à Saint-Martin d'Ardèche. Leonora y achète une maison et des vignes : « Le vin fait des Français une race à part » estime-t-elle tout en abusant de la boisson. Heureux et créatifs, ils reçoivent des amis comme par exemple Leonor Fini et André Pieyre de Mandiargues. Mais à l'été 1939 la guerre vient briser leur rêve : Max est arrêté d'abord en tant qu'Allemand, puis après l'armistice en tant qu'opposant au nazisme. Ces chocs emportent l'esprit de Leonora et c'est dans un état croissant de démence que des amis de passage à Saint-Martin l'emmènent à Andorre et en Espagne tandis qu'elle ne cesse de crier son hostilité à Hitler et à Franco provoquant des scandales en plein Madrid. En plein trouble mental, Leonora est longuement internée à Santander, et traitée au Cardiazol, avant que sa famille ne projette de l'expédier dans un asile d'Afrique du Sud. Libéré du camp des Milles, Max Ernst la cherchera en vain en Ardèche avant de pouvoir quitter la France occupée grâce au réseau de Varian Fry. Quand Max et Leonora se retrouveront au Portugal pour embarquer à destination de l'Amérique comme tant d'autres artistes de l'époque, celle-ci sera déjà l'épouse de Renato Leduc, alors consul du Mexique en fin de mission, et Max sera (provisoirement) en couple avec Peggy Guggenheim.
 
 

                                                          

       Leonora Carrington. Portrait de Max Ernst. 1939. National Galleries of Scotland.

 
Après un long séjour à New York, le Mexique va devenir une patrie d'adoption pour Leonora Carrington, qui ne parlait pas encore espagnol. Elle s'installe à Mexico seulement pour suivre son mari ; mais ils se fâchent bientôt à propos de corrida et de ses fréquentations. Elle n'aime pas le réalisme des peintres muralistes tel Diego Rivera alors que plus tard elle détestera les installations des artistes conceptuels.
 
 
                                        
   Leonora Carrington. The Giantess. 1947. Private collection.
 
Petit à petit Leonora reprend goût à la peinture, toujours riche de son imaginaire : « les personnages grimpent tout seuls sur la toile » dit-elle à sa mère en visite au Mexique. Leonora a rencontré à Mexico un photographe émigré, Imre Weisz, ami de Robert Capa et comme lui d'origine hongroise, et qu'elle appelle Chiki. Ainsi naissent Harold Gabriel dit Gaby, puis Pablo. Le mécène anglais Edward James est à l'origine de sa première exposition de peinture à la galerie de Pierre Matisse à New York en 1948. Progressivement elle développe ses relations avec des artistes vivant au Mexique, et devient une artiste reconnue, exposant à New York comme à Mexico, tout en publiant plusieurs recueils de nouvelles fantastiques (soit pour les éditions françaises: En Bas, Losfeld 1973; La Porte de pierre, Flammarion 1976; La Débutante. Contes et pièces, Flammarion 1992; Le cornet acoustique, Garnier-Flammarion 1993).
 
            
Leonora Carrington. The Burning of Giordano Bruno. 1964
 
Leonora s'était intéressée à l'alchimie dès son adolescence. Puis avec ses amies peintres Remedios Varo et Alice Rahon, elle s'est passionnée pour les phénomènes occultes. Plus tard elle s'est mise à la lecture de textes de la Kabbale se passionnant pour ses mythes, surtout le Golem. De quoi ajouter à son ancienne inspiration des mythes celtiques, aux traumatismes de l'enfance et au thème persistant des chevaux. Leonora Carrington s'est aussi intéressée au progrès de la connaissance des passés maya et aztèque et elle a créé des peintures et des sculptures qui s'en inspirent.
 
Leonora Carrington. Bird Bath, 1974. Museum of Latin America, Long Beach, CA.
 
 
Notons cependant qu'Elena Poniatowska ne fait pas une étude esthétique des œuvres de l'artiste mexicaine ; l'auteure en situe la création dans le déroulé de son essai biographique : elle donne la priorité au roman d'une vie de femme libre, non-conformiste, à son évolution psychologique, à ses relations sociales.
 
Elena Poniatowska. Leonora. Traduit par Claude Fell. Actes Sud, 2012, 443 pages. (Seix Barral, 2011).
 
 
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Tag(s) : #MEXIQUE, #ARTS PLASTIQUES
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