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A la veille de l'ouverture des Jeux Olympiques à Rio, il est encore temps de mieux connaître l'histoire du Brésil. Dans un format réduit (280 pages) l'ouvrage d'Armelle Enders permet de prendre connaissance ou de réviser les grandes lignes de son passé. Voici quelques notes rapides...

 

Le Brésil à l'époque coloniale

D'abord étape sur la route des Indes, le littoral du Brésil constitue un archipel de colonies que le Portugal défend contre les Français du chevalier de Villegaignon en 1555-1560, en même temps que contre les Indiens Tamoios. Ultérieurement ce sont les convoitises espagnols et hollandaises qui visent le Brésil du XVII° siècle ; suite à la mort du roi dom Sebastião en 1578, Philippe II d'Espagne devint Felipe I mais le Portugal parvient à conserver son administration ultramarine ; plus grand fut le danger venus des Provinces Unies.

En guerre contre l'Espagne, en 1630 les Hollandais attaquent l'empire portugais en Asie comme en Afrique et en Amérique. Devant cette menace, le Portugal reprend son indépendance (1640), lutte contre la présence hollandaise dans le Nordeste avant de pouvoir renforcer sa colonie. La canne à sucre en assure la majeure partie des ressources, mais au prix de l'essor de l'esclavage. Vers 1640 le nombre d'esclaves importés d'Afrique dépasse le nombre des Indiens esclaves. C'est le temps de la fortune de Bahia et Pernambouc fondée sur l'économie sucrière : avec l'Asiento, la fourniture d'esclaves concédée aux trafiquants portugais par la Couronne d'Espagne est une aubaine pour Rio de Janeiro qui trafique avec l'Angola. C'est aussi le temps des expéditions de reconnaissance de Pedro Texeira (1637-39) en Amazonie jusqu'aux Andes, et des missions des Jésuites auprès des Indiens de l'intérieur.

Le 18è siècle voit la ruée vers l'or, qui culmine dans les années 1750, et fait la fortune d'Ouro Preto à Diamantina au cœur du Minas Gerais, province qui devient alors principale zone d'esclavage : en 1786, les captifs y représentent 48 % d'une population de 400 000 habitants. Le marronnage se développe dans les quilombos en même temps que croit la population libre de couleur et que le Brésil s'affirme comme un pays déjà métissé. Au sud, les Portugais sont chassés de Montevideo mais gardent Colônia de Sacramento comme ouverture sur le Rio de la Plata jusqu'en 1777. L'administration du Brésil est à cette époque réorganisée par le marquis de Pombal. Le pays profite de la neutralité du Portugal durant la guerre d'Indépendance américaine et de la révolte de Saint-Domingue pour devenir géant sucrier et exportateur de coton. Face aux Lumières qui commencent à poser la question de la traite et de l'esclavage, l'activité d'imprimerie est interdite. Des conjurés tentent de créer une République du Minas qui affranchirait les esclaves créoles et les mulâtres : leur leader, surnommé Tiradentes est pendu en 1793.

L'invasion napoléonienne au Portugal provoque l'installation des Bragance dans la colonie en 1808. Dom João modernise le pays et tend à le constituer en Etat. L'activité manufacturière est désormais licite, l'Imprimerie royale et le Banco do Brasil sont fondés. Le Brésil est fédéré au Portugal dans un Royaume-Uni sans lendemain. Dès 1817 Pernambouc se soulève contre Rio, la tentative républicaine est écrasée.

 

1820-1930. “Construire le Brésil et faire les Brésiliens”.

Le soulèvement militaire de 1820 à Porto et l'ouverture des Cortes accélèrent la rupture entre les deux rives de l'Atlantique tandis que dom João VI rentre à Lisbonne, laissant son fils dom Pedro comme régent. En réaction aux décisions des Cortes et sous l'influence nouvelle du nationalisme le 7 septembre 1823 dom Pedro proclame l'indépendance du Brésil et se fait couronner Empereur. Mais très rapidement dom Pedro Ier exacerbe le mécontentement, par exemple en envoyant ses troupes dissoudre l'assemblée constituante et en octroyant une Charte qui refuse toute autonomie aux provinces ; au sud la Cisplatine se révolte et se proclame Uruguay tandis qu'une nouvelle révolte de Pernambouc est réprimée. L'Etat doit emprunter aux Rothschild pour s'acquitter de sa dette envers Lisbonne. La Grande-Bretagne fait pression pour imposer le libre échange (1827) et mettre fin à la traite (en vain). Dom Pedro Ier abdique en faveur de son jeune fils (5ans) le 7 avril et s'embarque pour disputer la couronne du Portugal à son frère dom Miguel.

Aux mains des conservateurs ou des libéraux, le Brésil de dom Pedro II connaît une régence agitée de 1830 à 1842 : dans les provinces du Nord, des révoltes populaires ou des jacqueries sont réprimées par l'armée tandis qu'au Sud les gauchos tentent une République en 1836 avant de réintégrer l'Empire en 1845. Les esclaves aussi se révoltent. La répression terrible s'accompagne de renvois de “fortes têtes” en Afrique et du glissement du trafic esclavagiste du golfe de Guinée vers l'Angola et le Mozambique.

Dom Pedro II gouverne en roi bourgeois, sans faste en dehors des fêtes officielles. On peut le comparer à Louis-Philippe Ier. La presse jouit d'une grande liberté et l'éducation progresse. L'époque voit la culture du café enrichir les planteurs de la vallée du Paraiba do Sul et s'étendre vers l'intérieur sur les terres violettes (“terra roxa”) cultivées par des esclaves. Encore 1 500 000 esclaves sont introduits dans le pays entre 1800 et 1850, dont 400 000 pour la seule période de 1840 à 1850 date de l'interdiction effective de la traite.

La guerre du Paraguay (1865-1870) — toujours la question de la frontière méridionale — affaiblit le régime impérial tandis que le mouvement abolitionniste progresse et aboutit en mai 1888. Progresse aussi l'idée républicaine. Le chef de l'état-major Deodoro da Fonseca proclame la République à Rio le 11 novembre 1889 et la séparation de l'Eglise et de l'Etat suit en 1890. Dom Pedro II meurt en exil en 1891. Le nouveau régime proclame son inspiration comtiste résumée par la devise “Ordre et Progrès” du drapeau, fixe de nouvelles fêtes officielles et entreprend une politique indigéniste : le colonel Rondon obtient la création d'un service de protection des Indiens, ancêtre de la Funai. La Constituante de 1890-91 aboutit à un système inspiré des USA. Les républicains redoutent l'arrivée de caudillos comme en Amérique hispanique. Les troubles se multiplient : soulèvement fédéraliste au Rio Grande do Sul soutenu par la Marine qui bombarde Rio en septembre 1893, révolte paysanne d'inspiration religieuse de Canudos écrasée au bout de quatre ans en 1897 par l'armée fédérale (cf. Os sertões, le récit d'Euclides da Cunha), révolte religieuse au Ceara sous la conduite du père Cicero, etc.

La vie politique reste dominée par les élus des états de São Paulo et de Minas Gerais : huit des treize présidents qui ont dirigé le Brésil entre 1889 et 1930 en sont issus. La ville de São Paulo s'industrialise et sa population passe de 50 000 à 580 000 habitants entre 1886 et 1920. Tout est conditionné au prix du café et à son poids dans les exportations. Les années 1920 amènent plusieurs chambardements : la création d'un Parti communiste (PCB) vite interdit (1922), agitation et insurrection des “tenentes” (lieutenants), et notamment la “colonne Prestes” qui sème le trouble à travers plusieurs états entre 1924 et 1926. Finalement le président Washington Luis est déposé par l'armée et le 3 novembre 1930 Getúlio Vargas, propriétaire de ranches et gouverneur du Rio Grande do Sul, prend la tête du gouvernement.

 

1930-2000 : de Vargas à Lula.

Pendant un demi-siècle, le Brésil connaît principalement un régime autoritaire, mais aussi un fort développement. Vargas crée de nouveaux ministères (Travail, Education et Santé), étoffe la législation sociale, accorde le droit de vote aux femmes. Il rencontre l'opposition pauliste brisée par l'armée fédérale, l'opposition de partis nouveaux : l'Alliance intégraliste (AIB) de Salgado inspirée par le fascisme, à gauche l'Alliance nationale libératrice (ANL) de Prestes liée au PCB : le gouvernement étend fortement la répression et crée l'Estado Novo, autoritaire, centralisateur et nationaliste. Le régime s'appuie cependant sur les intellectuels et artistes modernistes, invite Le Corbusier en 1936, confie à Lucio Costa la construction d'un ministère. En même temps les traditions afro-brésiliennes sont prises en compte et Gilberto Freyre publie Maîtres et esclaves en 1933. Vargas favorise l'industrialisation du pays qui entre en guerre en 1942 contre l'Allemagne : un corps expéditionnaire débarque en Italie. Ainsi le Brésil figure parmi les puissances fondatrices de l'ONU comme il l'avait été de la SDN. Vargas quitte le pouvoir en octobre 1945.

De 1946 à 1964 le pays vit de nouveau l'apprentissage de la démocratie. Après la présidence de Dutra, les électeurs, favorables au Parti travailliste (PTB) de Vargas, le font revenir à la présidence dès 1950, donc de nouveau une politique favorable au développement industriel — la Petrobras est créée en 1953. La presse — presque entièrement favorable à l'opposition libérale — provoque la démission du populaire ministre du travail João Goulart. À la veille d'un coup d'État de l'armée et des libéraux de l'UDN, Vargas se suicide le 24 août 1954. Poursuivant la politique de Vargas, Juscelino Kubitschek et João Goulart dominent, empêchant la droite libérale de l'UDN de s'emparer du pouvoir. Élu président de la République en 1956, Kubitschek fait construire les bâtiments officiels de la nouvelle capitale, Brasilia, inaugurée le 21 avril 1960. Mais aux élections de 1960, l'UDN réussit à élire comme Président un Pauliste haut en couleur, Jânio Quadros qui démissionne le 25 août 1961. Le vice-président Goulart est chassé par les conservateurs, c'est le coup d'État militaire du 31 mars 1964, et il doit s'exiler.

La dictature va durer, dirigée par une série de généraux (Castelo Branco, Costa e Silva, Figueiredo, Geisel, Médici) qui organisent une répression brutale contre les gauches, dirigent le pays à coup d'Actes institutionnels. Beaucoup d'intellectuels et d'enseignants sont exclus de l'Université et s'exilent. Les services de renseignement et les escadrons de la mort font régner la terreur, notamment l'Opération Bandeirantes lancée en 1969 : Carlos Marighela, leader de la guérilla urbaine, est exécuté en novembre. En 1972-74, l'armée combat un foyer rural de guérilla communiste dans la vallée de l'Araguaia. Les atteintes aux droits de l'homme sont dénoncés par des évêques comme dom Helder Camara et dom Paulo Evaristo Arns.

Les années de gouvernement militaire correspondent en économie au « miracle brésilien » : forte croissance du PNB, inflation modérée, dette extérieure modeste, grand travaux d'équipements (barrages hydroélectriques), essor des investissements étrangers, essor de la télévision (TV Globo naît en 1965), routes transamazoniennes. La crise “pétrolière” de 1973 stoppe net la croissance : les généraux décident de céder le pouvoir aux civils. Une loi d'amnistie est promulguée en 1979. Des élections libres sont organisées en novembre 1982. En 1984, Tancredo Neves (ancien ministre de Vargas) et José Sarney forment le “ticket” victorieux soutenu par le PMDB et le PDT, mais non par le Parti des Travailleurs (PT). Encore une fois la Brésil change de constitution (1988). Les années 80 et 90 voient les échecs économiques des présidents Sarney et Collor de Mello : hyperinflation et croissance nulle. La situation économique s'améliore sous Cardoso et surtout sous Lula (Luis Inácio da Silva), qui entame son premier mandat le 1er janvier 2003.

Dans un pays de 200 millions d'habitants, qui gagne en influence, mais où la corruption n'a jamais vraiment cessé (même sous Lula quand Dirceu le trésorier du Parti des Travailleurs perdit son mandat), l'auteure souligne enfin les progrès sociaux, l'essor des églises pentecôtistes et les dégâts de la violence des gangs liés au trafic de drogue. 

 

• Armelle Enders. Nouvelle Histoire du Brésil. Chandeigne, 2008, 282 pages.

Lire aussi le compte-rendu de Nuevo Mundo.

Tag(s) : #HISTOIRE GENERALE, #BRESIL
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