André Bucher est poète, romancier et agriculteur biologique en Haute-Provence. Il y a situé l'action de ce roman où Tristan Couturier, le narrateur, revient sur son histoire personnelle.
Au début, Tristan a six ans et vit avec ses parents Alex et Blanche dans une ferme isolée où l'on cultive l'épeautre et élève des brebis. Tristan aime passer des heures dans un tilleul à causer au merle et à la corneille. C'est là que le premier drame se produit : sa mère est assassinée par des bandits évadés de la prison de Sisteron. Tristan a été témoin du drame qui comme on s'en doute le perturbe fortement, aussi doit-il consulter un psychiatre. Tristan n'a connu aucun de ses grands-pères et Germain un ancien “malgré nous”, autre éleveur de brebis qui habite au col du Négron l'estime comme son petit-fils. Quelques années plus tard, Alex se remarie avec la jeune Maryse et le couple s'installe dans une ferme-auberge sur la route du col de l'Homme-Mort. L'appeler Le cabaret des oiseaux est l'idée de Tristan, toujours sensible à la nature et aux oiseaux qu'il a quasiment apprivoisés. Au fil des années, alors qu'Alex sombre à nouveau dans l'alcoolisme et s'isole des autres, Tristan devenu collégien se sent attiré par cette belle-mère délaissée, perchée sur ses talons, qui chante et joue du piano. Le second drame survient quand Tristan entreprend de défendre sa belle-mère — sa « mère seconde » — des visées de deux malfrats débarqués d'un pays de l'Est dont Maryse, alias Martha, s'était échappée.
La vallée du Jabron et la montagne que franchissent au midi les cols de l'Homme-Mort et du Négron, forment tout un univers sauvage et beau — à deux pas de la Montagne de Lure et du Contadour chers à Giono. Mais l'auteur préfère étudier la psychologie de son jeune héros plutôt que le pittoresque du paysage. Tristan aime jouer avec les mots dès son entrée à l'école. L'instituteur court sur pattes devient un « petit mètre ». Le jeune garçon qualifie Monsieur Jourdain, son psychiatre, de « docteur de la tête » et l'agent immobilier qui réalise la vente de la ferme devient un « pro-menteur ». Les exemples sont nombreux. Le Cabaret des oiseaux se lit aussi comme un roman de formation avec pour fil rouge de l'éveil des sens et du désir. Tristan tombera amoureux de son institutrice, puis d'une élève de 3ème avant de se jeter dans les bras de Maryse qui attend qu'il ait dix-huit ans pour lui accorder ses faveurs. En même temps on comprend bien que Tristan cherche à défendre ces femmes — successivement du regard vicieux des élèves, d'une tentative de viol, et d'un rapt — lui qui n'a pas pu défendre sa mère et l'a vue tomber sous les balles d'un gangster.
On apprécie dans ce roman l'écriture précise, claire et apparemment simple d'André Bucher qui cisèle la langue sans devoir accumuler les adjectifs. La poésie est présente avec allusion à Éluard et Max Jacob. Tristan lui-même s'y essaie. Même en prison.
• André Bucher. Le cabaret des oiseaux. Sabine Wespieser éditeur. 2004, 188 pages.