
Ce court roman montre comment Saul Bellow mêle habilement les conversations de ses personnages à un récit à la première personne et le tout est mené sur un rythme assez vif. Au fil du texte, on savoure les succulents portraits des personnages, dont beaucoup sont juifs comme généralement chez Bellow. L'écrivain s'attarde particulièrement sur Adletsky — devenu nonagénaire, « il faisait une percée dans la compassion, un domaine nouveau pour lui » — et plus encore sur Amy, « sa famille était convenable, des Juifs germanophones d'Odessa éduqués au gymnasium ». Elle est veuve de Jay, un avocat mondain spécialisé dans les divorces, à commencer par celui de son épouse : il a enregistré sur bande magnétique les confidences intimes et les ébats sexuels qu'elle eut avec un amant new-yorkais. Jay était par ailleurs un lecteur superficiel qui ne lisait que le premier chapitre des ouvrages qu'il achetait, juste pour en retenir une ou deux citations marquantes à l'intention des femmes qu'il séduisait. Le couple que forment Bodo et Madge donne également lieu à de belles descriptions : lui, l'industriel du jouet, a épousé une seconde fois sa femme après l'avoir tirée de prison où une tentative d'assassinat sur son mari l'avait conduite. Madge a aussi un truc infaillible pour avoir un entretien en privé avec Amy : arroser sa jupe de thé en faisant semblant d'avoir oublié ses verres de contact !
L'intrigue ne donne pas l'impression d'être très structurée, elle paraît avancer en zigzag, mais en fait elle conduit presque fatalement à une happy end bien que cela se passe dans un cimetière de Chicago.
• Saul Bellow. Une affinité véritable. Traduit par Rémy Lambrechts. Gallimard, 1998, 125 pages.