À la fois drame et comédie, le long-métrage de l'espagnol F.L. de Aranoa, A Perfect Day plonge le spectateur dans les derniers épisodes de la guerre de Yougoslavie. Plus précisément le réalisateur nous emmène rejoindre un groupe d'humanitaires — comme dans Check Point le dernier roman de J.-C. Rufin — du côté de la Bosnie ou du Kosovo
Les personnages d'Aranoa composent un tableau de caractères diversifié comme il sied à une société cosmopolite ou à un casting de haut niveau. Deux durs-à-cuire conduisent les toyotas, Membrú (Benicio del Toro) qui est du genre sérieux et désabusé, et B. (Tim Robbins) plus joueur et aventurier. Ces deux rôles principaux sont accompagnés d'un traducteur autochtone qui souhaite que le conflit se termine au plus vite, et de deux jeunes femmes, Sophie, une française (Mélanie Thierry), experte qui doit s'assurer que l'eau des puits est potable, et Katya, une ukrainienne (Olga Kurylenko) qui doit juger de l'opportunité de mettre fin à la mission d'Aid Accross Borders, tel est le nom de l'ONG.
Un puits, une corde, un ballon : comme dans un jeu d'aventures, tels sont les éléments matériels sur lesquels toute l'intrigue est construite. Un puits, parce que sur les trois de la zone, deux sont minés, et que le troisième héberge un cadavre qui le contamine, sans doute en vue de vendre au prix fort l'eau d'un camion citerne aux habitants du coin. Une corde, pour retirer le cadavre du puits, et ce n'est pas si facile à trouver quand le droguiste ou l'épicier du coin se les réserve pour pendre ses ennemis ou les ennemis de ses clients. Un ballon de foot, pas facile non plus dans une région mise à sac par les conflits, mais c'est tout un symbole que de pouvoir donner un peu de joie au gamin qui se trouve accompagner les humanitaires, enfin c'est ce que l'on veut croire. Tout ceci n'est pas facile non plus parce que des cadavres de vaches, minées peut-être, peuvent stopper la progression des humanitaires, ou que les Casques Bleus pointilleux leur mettent des bâtons dans les roues, ou que des soldats en attente d'un cessez-le-feu officiel bloquent une route pour, à l'abri des regards, régler leur compte aux malheureux prisonniers.
Bien que la tragédie soit au cœur du scénario — villages en ruines, villageois pendus, chemins minés, déconfiture des humanitaires — la comédie malgré tout pointe son nez avec une corde qui casse, avec les facéties et blagues de l'un ou l'autre humanitaire consultant en vain son carnet de route, ou avec la frousse qu'ils donnent à la fille dont c'est la première mission pour un joyeux bizutage au milieu du drame humain. De quoi assurer, sinon un jour parfait, du moins une fort bonne séance de cinéma.
• A Perfect Day, un jour comme un autre. Film de Fernando León de Aranoa. 2016, 1h 45.